Mélanie Laurent a une double actualité. En France, elle partage la vedette avec Laurent Lafitte et Audrey Dana du drame familial Boomerang. De l'autre côté de l'Atlantique, elle défend sa deuxième réalisation, Respire (sorti en France l'an dernier). Le film est en effet à l'affiche aux Etats-Unis et la protégée de Quentin Tarantino a le plaisir de répondre aux questions des journalistes américains, plus précisément ceux du Huffington Post US. L'actrice et réalisatrice s'épanche avec franchise sur son métier et son regard de femme devant et derrière la caméra, en n'hésitant pas à bousculer certaines opinions.
Respire est l'histoire de deux jeunes filles (jouées par Lou de Laâge et Joséphine Japy), faite d'amour, de passion et de haine. Pour son retour en tant que cinéaste, Mélanie Laurent a su capter avec subtilité et délicatesse une relation destructrice au crépuscule de l'adolescence. Le Huffington Post met en avant le fait que sa vision féminine du récit a influé sur l'oeuvre et interroge l'artiste sur ce que son film aurait donné s'il avait été réalisé par un homme : "Je pense qu'un homme aurait filmé plus de baisers ! [rires] Sérieusement, je ne sais pas parce que, à chaque fois que j'ai fait un film, par exemple avec Mike Mills ou Tarantino, deux réalisateurs qui adorent les femmes, on nous donne beaucoup de liberté et les personnages féminins sont géniaux. Mais quand je vois une femme filmer une femme, je ressens une différence. Surtout pour les films où les scènes de sexe tiennent une grande place."
Afin d'étayer son propos, Mélanie Laurent prend en exemple le film La Belle Saison de Catherine Corsini : "La cinéaste est homosexuelle, et quand elle filme des scènes de sexe, c'est excitant. On ne voit pas grand-chose, mais on les sent [l'actrice Izïa Higelin s'est d'ailleurs beaucoup livrée pour ce tournage, au point d'en être même traumatisée]. Quand je regarde La Vie d'Adèle, [Palme d'or qui a fait couler beaucoup d'encre], cette longue scène de sexe, que du sexe, du sexe pendant vingt minutes, je me suis sentie mal pour elles. Je ne trouve pas cela excitant. J'ai adoré le film, mais je n'ai pas aimé cette partie."
Les hommes et les femmes n'ont pas la même vision de ce qui est sexy.
Actrice pour Angelina Jolie dans sa nouvelle réalisation, Vue sur mer (By the Sea), Mélanie Laurent a donc été filmée par une femme dans un long métrage qui comporte beaucoup de scènes d'amour : "J'étais terrifiée. Mais quand je vois ce qu'elle en a fait, je me suis dit, 'ok, c'est une femme, elle aime les femmes'. Elle a choisi de beaux plans et c'est une femme qui filme les femmes avec beaucoup d'amour et de respect. Il n'y a pas de fantasme. Manifestement, les hommes et les femmes n'ont pas la même vision de ce qui est sexy. Pour nous, on peut être sexy en portant un t-shirt et l'être parce qu'on est intelligente, sans maquillage et en fumant une cigarette. Peut-être qu'un homme demandera à montrer un peu plus de jambes, plus de corps... quand on n'a pas forcément besoin de ça pour être sexy. Mais il y a tellement de réalisateurs masculins qui savent exactement comment faire, - je pense à des Français comme Truffaut et Godard -, avec le mystère de la femme, vous savez, les imper', des cigarettes. Mais ça serait intéressant de voir ce que ça aurait donné si une femme avait fait ces films."
Le pire, c'est quand une femme filme comme un homme.
Forte de son expérience des cinémas français et américain, Mélanie Laurent comparera le poids des femmes dans le milieu de la réalisation : "En France, nous avons beaucoup de pouvoir. Ici [en Amérique], je réalise qu'il y a très peu de femmes cinéastes. Je ne sais pas pourquoi. En France, si vous avez un bon script, ce n'est pas parce que vous êtes une femme que vous ne pourrez pas faire votre film." Elle précisera être consciente des inégalités de salaires entre hommes et femmes et ajoutera ne pas apprécier quand elle voit qu'une femme filme une femme de façon vulgaire, lui faisant dire des choses idiotes, superficielles ou qui ne sont pas authentiques. "Le pire, c'est quand une femme filme comme un homme. Je déteste ça. C'est tellement important. On a une mission, celle de faire quelque chose de différent, de s'éloigner des clichés."
Filme-t-on comme un homme ? Comme une femme ? Voilà un vaste sujet qui peut faire l'objet de longs débats. Doit-on s'insurger que dans les films sélectionnés à Cannes, peu de femmes les réalisent ? Ou ne pas vouloir faire de distinction car l'art est au-dessus des genres féminins et masculins ? Ou bien, comme Maïwenn, se dire qu'on "fait du tort aux femmes en râlant comme ça. Il y a plus de maquilleuses femmes que d'hommes, et alors ? Qui s'en émeut ? C'est un métier qui fait appel aux hormones masculines, donc il y a tout simplement plus d'hommes réalisateurs, c'est aussi bête que ça" (Magazine Première) ? Avec son discours, Mélanie Laurent ne laisse en tout cas pas insensible à la question. Il serait par ailleurs intéressant d'avoir son avis sur sa partenaire Audrey Dana - qui l'a défendue à notre micro avec passion contre ses détracteurs - et sa réalisation Sous les jupes des filles, un long métrage qu'elle ne voulait pas présenter comme féministe.