Ses rôles de femmes fortes, empreintes de liberté, sa capacité à jouer la comédie comme le drame avec le même talent bouleversant... Annie Girardot est partie "paisiblement" le 28 février à Paris à l'âge de 79 ans, laissant un énorme vide dans le monde du cinéma a croisé les plus grands noms, Alain Delon dans Rocco et ses frères, Belmondo dans Un homme qui me plaît, Jean Gabin dans Maigret tend un piège, Yves Montand dans Vivre pour vivre, Lino Ventura dans Le Bateau d'Emile ou encore Louis de Funès dans La Zizanie. "C'est un pan du cinéma français qui disparaît", dira le réalisateur Yves Boisset, établissant une triste vérité.
Auréolée de trois César et deux Molière, Annie Girardot - grand-mère de Lola et Renato de sa fille unique Guilia - se plaisait sur scène comme devant les écrans, et était une personnalité populaire, accessible et humaine. "Les gens m'aiment et je ne sais pas pourquoi", avait-elle dit. Et pourtant, cela semble évident, elle était tout simplement Annie. Sa gouaille et son charisme ont fait d'elle une icône à laquelle on pouvait s'identifier, mais la maladie d'Alzheimer, révélée au public par sa famille en 2006, l'a empêchée de s'en souvenir. Les Français n'ont rien oublié, et son décès provoque une vague d'hommages plein d'émotion, soulignant sa dignité jusqu'aux derniers jours.
Claude Lelouch, qui l'a dirigée à plusieurs reprises, la décrit ainsi : "Elle était la plus grande actrice du cinéma français de l'après-guerre. Elle reste mon plus grand souvenir de metteur en scène et d'homme." Le cinéaste - avec qui la comédienne avait eu une aventure - l'avait fait tourner dans Les Misérables, une performance qui lui vaut un César du meilleur second rôle en 1996. Le soir de la remise du prix, elle fait un discours qui marquera les annales des César : "Je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma français, mais le cinéma français m'a manqué... follement... éperdument, douloureusement. Votre témoignage, votre amour, me font penser que peut-être, je dis bien peut-être, je ne suis pas encore tout à fait morte."
La colère contre sa mise au banc du cinéma
Brigitte Bardot a déclarée être "bouleversée, extrêmement choquée et triste" après l'annonce de la disparition de son amie Annie Girardot : "Je ressens un chagrin infini. Après la mort de Maria Schneider qui m'a déjà rendue si triste, c'est comme si on m'avait enfoncé un nouveau clou dans le coeur. [...] J'aimais infiniment Annie Girardot. [...] Elle a eu une vie à la fois extraordinaire et dramatique", a confié Brigitte Bardot à l'AFP.
Nombreuses sont les actrices qui ont témoigné leur affection, mais aussi leur colère face à l'oubli dont elle a fait l'objet par la "famille du cinéma". Ainsi, Brigitte Bardot a estimé "qu'Annie, qui a été une actrice très importante, a été oubliée par cette famille entre guillemets du cinéma. Cette famille-là, qu'elle aille se faire foutre! Ce n'est pas une famille. Ces gens l'ont laissée tomber!", a dit encore B.B., estimant toutefois que cette "disparition est aussi une délivrance pour Annie".
Françoise Fabian fait remarquer au Parisien, avec la même tristesse, cette mise au banc : "On s'est connues à 18-19 ans au Conservatoire. [...] C'était une grande amoureuse, elle prenait les choses très au sérieux. Je la trouvais très glamour, elle avait un corps ravissant. Par contre, son discours aux César pour Les Misérables... c'était très dur de la voir comme ça. Lui donner un César pour un second rôle, c'était presque l'aumône pour une actrice qui a autant marqué le cinéma." Fabian a raison !
Des années avant, en 1977, Annie Girardot remporte son premier César pour Docteur Françoise Gailland, partageant ainsi ce moment avec Michel Galabru, ce dernier ayant été primé pour Le Juge et l'assassin. Ils se retrouvent ensemble sur scène, après s'être donné la réplique Elle cause plus... elle flingue : "Cette disparition est évidemment très triste mais c'est sans doute une délivrance car Annie était atteinte de cette maladie atroce qu'est l'Alzheimer. C'était une femme charmante, une actrice exceptionnelle. Le film d'elle que je préfère est Docteur Françoise Gailland. Le public l'adorait. Elle a eu une carrière lumineuse, la pauvre petite..."
Les honneurs des politiques
Les politiques ont également transmis leurs condoléances et témoigné leur tristesse. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a fait parvenir ses hommages : "Annie Girardot nous laisse le souvenir d'une personne digne, brillante et toujours volontaire. Jusqu'au bout elle résista à sa terrible maladie. Son oeuvre porte la marque d'une artiste qui considérait son engagement sur scène ou à l'écran comme un don de soi."
Bertrand Delanoë, maire PS de Paris, a déclaré : "Avec elle disparaît une immense figure du théâtre et du cinéma français. Sa gouaille, sa personnalité bien tranchée, son sourire, sa voix inimitable ont traversé les décennies pour marquer profondément la culture de notre pays. Depuis ses débuts au théâtre, puis au cinéma auprès de Jean Gabin, jusqu'à ses derniers rôles à la télévision, elle a créé son propre univers, profondément original et attachant"
L'hommage des chaînes de télévision
La télévision rendra honneur à cette actrice talentueuse et populaire, avec les diffusions de différents programmes liés à Annie Girardot. TF1 programmera mardi à 22H55 l'émouvant documentaire Annie Girardot : Ainsi va la vie, réalisé par Nicolas Baulieu, qui raconte mois après mois le combat de la comédienne contre la maladie d'Alzeihmer. Les images sont difficiles, dévoilant une grande femme face à cette épreuve. Diminuée, Annie Girardot est devenue un symbole, celui de la maladie d'Alzheimer et contribuera à la médiatisation de la lutte contre cette souffrance.
De son côté, France 2 va diffuser à 22h05 le documentaire Annie Girardot, le tourbillon de la vie, tandis que sur France 3, Frédéric Taddéi évoquera la disparition de l'artiste dans Ce Soir ou Jamais à 23h00. Jeudi, France 3 proposera également une soirée spéciale avec un film de la comédienne suivi d'un hommage par Mireille Dumas.
Paris Première a décidé de programmer deux films "cultes" de la comédienne à partir de 20h35 : Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas... mais elle cause de Michel Audiard suivi de Rocco et ses frères de Luchino Visconti. Deux longs métrages, deux registres qui montrent l'étendue de son talent.
Enfin, TV5 Monde mettra de son coté à l'antenne dès ce lundi soir à 23H30 le film policier Traitement de choc d'Alain Jessua (1972), où elle partage la vedette avec Alain Delon et Robert Hirsch.
On n'a pas encore entendu Alain Delon qui est en Ukraine et devrait s'exprimer aujourd'hui. Il est certain que lors de ses obsèques (qui devraient avoir lieu en fin de semaine) en dehors de la fameuse famille du cinéma, beaucoup d'anonymes se presseront pour applaudir une dernière fois, comme le veut la tradition, cette grande dame si proches des gens, qu'était Annie... tout simplement.