La comédienne qui vient de nous quitter dans la nuit du 23 au 24 avril, à l'âge de 66 ans dans sa ville de résidence, Saint-Cyr-sur-mer, est morte tragiquement. Le maire Philippe Barthélémy (UMP) avait indiqué à l'AFP dans un premier temps avoir été "informé par les pompiers et les gendarmes du décès de Mme Pisier à 05H30 ce matin", mais on vient d'apprendre que le corps de l'actrice a été retrouvé par son mari dans la piscine de la résidence du couple. "Le corps a été retrouvé vers 04H00 par son mari dans la piscine", a déclaré à l'AFP un magistrat du parquet de Toulon, qui a ouvert une enquête pour "recherche des causes de la mort". "Il ne s'agit pas d'une enquête criminelle", a précisé le magistrat. Selon la même source qui a ordonné une autopsie, "le corps ne portait pas de trace de violence externe". "Le décès a été constaté à l'hôpital Font Pré de Toulon", a ajouté le magistrat. L'enquête a été confiée à la brigade de recherches de la compagnie de gendarmerie de Toulon. C'est le gardien de la propriété privée de Marie-France Pisier qui, dans la nuit, a alerté les secours pendant que son époux sortait le corps de la piscine. Quelques instants plus tôt, le mari s'était aperçu de l'absence de son épouse dans la villa. Il avait alors entrepris de la chercher. C'est en sortant dans le jardin qu'il a découvert le corps, selon ses déclarations aux enquêteurs. Alertés, les sapeurs-pompiers ont alors évacué l'actrice vers l'établissement hospitalier de Toulon où le décès a été constaté dimanche à 07H00.
Les premiers éléments de l'enquête n'ont pas laissé apparaître un état dépressif chez l'actrice, qui "avait des projets professionnels et avait confirmé sa présence à l'hommage qui sera rendu à Jean-Paul Belmondo, en mai au Festival de Cannes", a souligné une source proche de l'enquête.
Sa disparition laisse les mondes du Septième Art, de la télévision et du théâtre, ainsi que les Français, dans une grande tristesse. Retour sur la carrière d'une femme talentueuse, sublime, passionnante et passionnée.
Une icône du cinéma d'auteur
Héroïne de Truffaut et de Téchiné, partenaire de Jean-Paul Belmondo à deux reprises et comédienne auréolée de deux César, Marie-France Pisier a inscrit son nom dans le cinéma français en devenant une icône du cinéma d'auteur des années 1970.
Née à des milliers de kilomètres de la France, le 10 mai 1944 à Dà Lat (dans l'ancienne Indochine française, actuel Viet Nam), fille d'un gouverneur colonial en Outre-Mer, Marie-France Pisier s'est toujours passionnée pour la comédie, faisant partie dans sa jeunesse d'une troupe de théâtre amateur. Ses grands et magnifiques yeux n'ont pas laissé indifférent François Truffaut, qui la choisit en 1961 pour donner la réplique à Jean-Pierre Léaud dans Antoine et Colette, l'un des sketchs de L'Amour à vingt ans, puis on la retrouvera dans la dernière aventure de Doinel, coécrite par la comédienne en 1979. "Truffaut cherchait une jeune fille qui ne soit pas midinette, ce qu'il a apprécié chez moi, c'est ma très grande désinvolture," racontait-elle pour L'Internaute.
Icône du cinéma d'auteur français, Marie-France Pisier répand son élégance dans cet univers, tournant pour les plus grands, tels que Robert Hossein (La Mort d'un tueur, Les Yeux cernés, Le Vampire de Düsseldorf), Alain Robbe-Grillet (Trans-Europ-Express), Luis Buñuel (Le Fantôme de la liberté), Jacques Rivette (Céline et Julie vont en bateau) et André Téchiné (Souvenirs d'en France, Barocco, Les Soeurs Brontë).
César et popularité
La reconnaissance de la profession se fera, entre autres, par les César. En 1976, elle obtient le prix du meilleur second rôle dans Cousin, Cousine de Jean-Charles Tacchella, puis l'année d'après dans Barocco de Téchiné. Ses grands yeux captivent l'assemblée à chacune de ses sorties...
Cousin, cousine ne lui apporte pas qu'un César mais la notoriété aux Etats-Unis, vu le succès du film outre-Atlantique, séduisant les Américains par la finesse "à la française" de l'oeuvre. La comédienne tourne alors quelques films aux Etats-Unis et en Angleterre, dont la grande épopée sentimentale sur fond de Seconde Guerre mondiale The Other Side of Midnight avec également Susan Sarandon, ou, un peu plus tard, Chanel Solitaire, avec Timothy Dalton. Néanmoins, la carrière étrangère de Marie-France Pisier ne prend pas son envol. Qu'importe, en France, elle est et reste parfaite.
Durant la décénnie 1980, elle joue dans La Banquière de Francis Girod, Le Prix du danger d'Yves Boisset et Parking de Jacques Demy. Elle donne également la réplique à Jean-Paul Belmondo dans le populaire As des as de Gérard Oury, retrouvant Bébel après Le Corps de mon ennemi d'Henri Verneuil (1976).
Deux dernières décennies discrètes
Au cours des années 1990, elle se fait plus rare mais collabore toute de même avec Andrzej Zulawski dans La Note bleue, Manuel Poirier dans Marion, et Raoul Ruiz pour Le temps retrouvé. Elle joue les mères dans trois films des années 2000 : Dans Paris de Christophe Honoré, Pardonnez-moi de Maïwenn et Il reste du jambon ? d'Anne de Petrini, son dernier film sorti en salles en 2010. Marie-France Pisier reconnaît : "Je n'ai pas autant de propositions aussi magnifiques qu'à mes débuts. Mais quand j'ai tourné avec Maïwenn dans Pardonnez-moi, c'était une expérience incroyable de jouer en improvisant." (France-Soir)
Télévision, théâtre, écriture, réalisation...
Pour la télévision, elle offre ses talents dès les années 1970 et continuera régulièrement à travailler pour le petit écran, avec des performances notables dans Le Crime de Pierre Lacaze de Jean Delannoy (1983), Le Tiroir secret (1986), téléfilm réalisée par Michel Boisrond, Roger Gillioz, Édouard Molinaro et Nadine Trintignant ou dans la saison 2 de Clara Sheller, Le Chasseur et Revivre. Sur les planches, elle clame les mots de Sacha Guitry à plusieurs reprises, dans N'écoutez pas Mesdames et Le Nouveau Testament. En 2009, Marie-France Pisier jouait dans la pièce A.D.A. L'Argent des autres de Jerry Sterner.
Marie-France Pisier se lance également dans une carrière d'écrivain, publiant le roman Je n'ai aimé que vous et Le bal du gouverneur. Ce dernier, ouvrage largement autobiographique sur son enfance en Nouvelle-Calédonie, sera adapté par ses soins au cinéma en 1990 avec Kristin Scott Thomas. En 2002, elle réalise Comme un avion avec Bérénice Bejo, oeuvre faisant écho au décès de ses parents.
L'actrice et la politique
Diplômée en droit et science politique, Marie-France Pisier explique pourquoi elle a continué ses études, parallèlement à une carrière florissante : "Je suis issue d'une famille dans laquelle le bagage intellectuel et les diplômes comptaient beaucoup. Ma mère m'a poussée à prolonger mes études, ce qui d'ailleurs me plaisait tout à fait." (L'internaute) Intellectuelle et engagée, elle croisera le chemin de Daniel Cohn-Bendit en 1968. D'après Michel Revol du Point, Daniel Cohn-Bendit s'était résigné à l'époque à quitter la France, las de vivre en clandestin : "Les gars du réseau appellent Marie-France Pisier, une jeune comédienne dont la soeur, Evelyne Pisier [universitaire française et écrivaine], a épousé Bernard Kouchner. Elle assurera le voyage de retour. Marie-France Pisier et Daniel Cohn-Bendit, les cheveux teints en noir, roulent vers le Luxembourg au volant d'une belle voiture de sport, une MG décapotable. [...] La frontière du Luxembourg franchie, il glisse un oeil à son accompagnatrice. 'C'est là qu'est née notre histoire', avoue le passager clandestin. Les deux amants se retrouvent une ou deux fois à Francfort avant de s'offrir deux semaines de vacances dans un hôtel de luxe en Sardaigne." C'est elle qui avait eu l'idée de teindre la chevelure très rousse du révolutionnaire de Mai 68, pour passer inaperçu...
Marie-France Pisier sera l'une des trois épouses de Georges Kiejman, avocat et homme politique français. C'est lui qui pilota la procédure de divorce à l'amiable entre Nicolas Sarkozy et Cécilia, représenta la famille de Marie Trintignant dans le procès de Bertrand Cantat et défendit en 2009, le cinéaste Roman Polanski.
Icône du cinéma d'auteur, mais jouant également dans des oeuvres populaires, Marie-France Pisier, mariée et maman d'un garçon Mathieu, 27 ans et d'une fille Isis, 24 ans, a su également s'investir dans les combats intellectuels de son époque. "Je ne sais pas avoir des regrets. Je ne peux rien regretter de la vie. Quand j'ai des déceptions, j'essaie de les transformer, d'en faire autre chose, une force nouvelle." (L'Internaute) Nous, nous regretterons de ne pas l'avoir assez admirée, plus longtemps, la belle et fascinante Marie-France Pisier.