Oscars 2012 - The Artist : Après le sacre, les critiques aux Etats-Unis
Publié le 29 février 2012 à 08:00
Par Samya Yakoubaly | Rédactrice
Cinéphile, elle adore regarder des bande-annonces et des moments historiques à la télévision. Le prochain James Bond ou le discours d’investiture de Barack Obama lui donnent les mêmes frissons.
L'équipe de The Artist pose dans la salle presse des Oscars le 26 février 2012 L'équipe de The Artist pose dans la salle presse des Oscars le 26 février 2012© Abaca
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Jean Dujardin, Bérénice Bejo et Michel Hazanavicius sont rentrés en France le 27 février, tels des héros : les Frenchy ont réussi à conquérir l'Amérique avec un film muet en noir et blanc au "petit" budget de dix millions d'euros. Depuis sa présentation au festival de Cannes et son prix d'interprétation, The Artist n'a cessé de récolter des éloges dans son pays évidemment, mais aussi outre-Atlantique, pour devenir un film-phénomène.

La gloire et après ?

De son aventure américaine, l'équipe du film se souviendra des innombrables prix que le long métrage a reçus sur les terres américaines, des galas avec les plus grandes stars d'Hollywood avec qui ils ont pu copiner, des interviews pour les shows télévisés les plus fameux. Un périple qui se sera achevé en beauté avec cinq Oscars, parmi lesquels ceux des meilleurs film, acteur et réalisateur.

A l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle le 27 février, la frénésie était impressionnante quand Jean Dujardin est arrivé de Los Angeles, brandissant fièrement son Oscar devant les photographes et cameramen amassés derrière des CRS. Fraîchement arrivés à Paris, Michel Hazanavicius et Jean Dujardin ont par ailleurs voyagé avec Salma Hayek mais sans Bérénice Bejo. Celle-ci a dû partir plus tôt pour démarrer le tournage d'Au bonheur des ogres, adaptation du roman de Daniel Pennac avec Raphaël Personnaz.

Aux Etats-Unis, c'est l'heure des critiques post-Oscars et The Artist n'y échappe pas. La 84e cérémonie n'a pas convaincu tout le monde, son animation correcte mais lisse et la suprématie des films produits ou distribués par le mogul Harvey Weinstein - comme The Artist, par exemple, qu'il a médiatisé comme personne - ont été montrés du doigt. La journaliste américaine de cinéma Nikke Finke, figure dans son milieu, a suivi la soirée pour le site Deadline.com, agrémentant son papier de moqueries comme de critiques acerbes, comme le souligne la revue Slate.fr.

The Artist et la grenouille

Quand The Artist obtient l'Oscar de la meilleure musique, elle lance : "J'en ai déjà assez des grenouilles et de l'accent français." Elle a également fait relever la réaction de Kaui Hart Hemmings, l'auteur du livre The Descendants, adapté au cinéma et en lice pour les Oscars : "Les gens de The Artist étaient devant moi et maintenant je sens la cigarette et l'arrogance." Les clichés continuent avec la "vanne" de l'écrivain et comédien Andy Borowitz, soulignant que The Artist est "l'ultime film de fantasy, un monde dans lequel les Français se taisent", ajoute Slate.fr. Pour le moment, personne n'a entendu de violentes colères à l'encontre du "putain" clamé à la télévision américaine haut et fort par un Jean Dujardin extatique lorsqu'il a reçu son Oscar. Or, putain, équivalent de fuck, est le mot interdit de la télé outre-Atlantique et n'a pas été censuré à cette heure de grande écoute. L'acteur et la chaîne ABC qui diffuse les Oscars ne devraient néanmoins pas être sanctionnés pour ce terme français spontané qui a dû choquer bien peu de téléspectateurs américains.

Les plaisanteries basées sur des stéréotypes reflétant l'agacement d'une partie de la profession aux Etats-Unis contre l'engouement sans bornes sur The Artist n'ont donc pas manqué. Moins trivial mais pas existentiel non plus, certains reprochent à l'illustre inconnu il y a quelques mois Jean Dujardin d'avoir empêché aux Oscars l'affrontement palpitant entre les deux amis-rivaux George Clooney et Brad Pitt, nommés dans la catégorie meilleur acteur, respectivement pour The Descendants et Le Stratège.

Un prix élitiste ?

D'autres critiques, plus argumentées, permettent aussi de mettre la lumière sur les Anglo-saxons qui n'ont pas été séduits par le duo muet George Valentin et Peppy Miller. Le journal australien Brisbane Times s'est insurgé contre le fait que les récompenses les plus importantes ont été remises à un "film d'auteur qui s'adresse à un public limité", estimant que l'écart grandit entre le public qui va au cinéma et les votants des Oscars. Une remarque qui vaut pour nombre de cérémonies de prix. Les César sont souvent attaqués pour leur "élitisme", une donnée tempérée cette année avec la présence dans les catégories reines d'Intouchables, le film aux 19 millions d'entrées. Le festival de Cannes est aussi la cible de ce genre de propos et le président du jury Tim Burton avait provoqué un tollé en choisissant de décerner la Palme d'or à l'oeuvre du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Cependant, on pourra difficilement comparer l'exigence de la sélection cannoise avec les nominations des Oscars qui visent un public bien plus large et sacrent facilement des oeuvres qui ont aussi su s'imposer au box-office.

En termes de recettes, The Artist est bien loin des autres concurrents dans la catégorie meilleur film. Le film de Michel Hazanavicius a réalisé 31 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, un score remarquable pour une telle oeuvre, étrangère et de surcroît en noir et blanc et muette. Ce dernier critère pouvant néanmoins jouer en sa faveur car il évite la présence de sous-titres, un repoussoir pour une bonne partie des spectateurs américains. A titre de comparaison, The Descendants avec George Clooney a fait 78 millions de dollars de recettes, Le Stratège 75 millions, Cheval de guerre (un échec pour Spielberg par ailleurs), 79 millions. Un score encore bien loin de La Couleur des sentiments et ses 169 millions de dollars de recettes. Il y a donc fort à parier que, même si The Artist va intriguer plus d'Américains avec ses 5 statuettes, il n'atteindra jamais le score de son prédecesseur à l'Oscar du meilleur film, Le Discours d'un roi (135 millions de dollars de recettes). The Artist n'a néanmoins pas du tout à rougir de ses chiffres, puisqu'il a réalisé le triple de La Môme aux Etats-Unis (10 millions) et côtoie l'autre phénomène français à l'étranger, Amélie Poulain (33 millions de dollars aux Etats-Unis).

D'autres voix mettent le doigt sur le sacre de The Artist comme pour le remercier d'avoir encensé l'Hollywood du passé, avec un film en forme de lettre d'amour, une idée totalement assumée par Michel Hazanavicius. L'Académie des Oscars, dont le collège de membres est dominé par "le vieil homme blanc" a été particulièrement touché par cette oeuvre consensuelle - elle n'aborde en effet aucun thème qui pourrait faire débat ou irriter certains - et se montre donc flattée par autant d'admiration de la part de Français. La presse étrangère et notamment américaine aurait-elle retourné sa veste par rapport à The Artist, maintenant qu'il vole la vedette à des longs métrages américains, lui qui fut désigné il y a quelque temps par le Time comme le meilleur film de l'année ? Ou met-elle en lumière certains des reproches émis à l'encontre d'Oscars trop nostalgiques cette année ? Il en faudra toutefois plus pour atteindre l'immense bonheur de tous les gens qui ont participé au film The Artist, une oeuvre qui fait désormais partie de l'histoire du cinéma.
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