
«Mon père, c'était un clown, Il avait une personnalité généreuse, lumineuse...» En ce 7 mars 2025, ces mots retentissent dans l’enceinte de L'Athanée, un funérarium de Nice. Ils sont prononcés par Marine, la fille de Pascal Brunner. Quelques jours plus tôt, le 26 février, le célèbre animateur, connu notamment pour avoir été dans les années 90 la figure vedette de l’émission Fa Si La chanter, sur France 3, poussait son dernier soupir. Il s’était éteint à 51 ans au terme d’une longue bataille menée contre un cancer qui l’avait de surcroît plongé dans de lourdes difficultés financières. Une fin de vie en tout point éprouvante. C’était il y a 10 ans, déjà…
Comme le soulignait sa fille, ce qui frappait, chez Pascal Brunner, c’est sa perpétuelle bonne humeur. Elle se dessinait sur son visage : son sourire, vissé en permanence sur sa bouche, donnait même à ses yeux cet aspect plissé. Malgré la douleur, malgré les déboires, jamais ce trait si visible de son caractère ne s’effacera.
Pascal Brunner n’avait pas attendu longtemps pour démontrer l’étendue de son talent... À 7 ans, celui qui découvrira plus tard que son père était un truand, gagne un premier radio-crochet à Sarcelles, sa ville natale, et dès l’âge de 20 ans, remporte un concours régional d'imitation. Une première radio lui tend un micro. Après avoir fait ses armes dans un café-théâtre parisien, où il croise Dany Brillant, il part affûter ses vannes et ses imitations en tant que GO au Club Med. Guy Lux le découvre et lui fait intégrer La Classe, de Fabrice en 1989.

Si le monde de la télé, où il officie surtout en tant qu’animateur de jeux, lui a ouvert ses portes, c’est à la radio qu’il révèle tout son potentiel. Sur France Inter, il intègre ce qui s'apparente déjà à une première bande à Laurent Ruquier, avec Laurent Gerra ou Virginie Lemoine. Puis, il part sur Europe 1 prendre la tête d’une émission à son nom : Brunner à vif, avant d’aller offrir ses services à RTL, où il devient un sociétaire des Grosses Têtes. Un parcours sans faute pour ce jeune roi de l’humour.
Des producteurs ne s’y trompent pas, c’est à lui que l’on confie la succession de Fabrice et de La Classe dans le divertissement baptisé Fa Si La chanter, où l’artiste, entre deux tournées, s’en donne à cœur joie. Devant 5 millions de téléspectateurs chaque soir, l'ami de Julien Lepers cultive sa bienveillance avec les candidats, ainsi que ses performances de chanteur, toujours apte à dégainer un bon mot…
Hélas, le monde du show-business a ses travers. «Après chaque Fa Si La chanter, on faisait la java avec mes invités, mes musiciens. C’était whisky à fond», expliquait-il en 2012, la voix altérée par la maladie, à la chaîne Bling, depuis Nice où il tentait de se reconstruire. Il assurait alors la promotion d’un livre confession au titre évocateur : Gloire, galère, cancer, je paye la note ! Un ouvrage dans lequel il s’ouvrait sur sa vie d’excès. Il était allé en parler sur de nombreux plateaux, n’épargnant aucun détail aux téléspectateurs.


«J'ai toujours aimé faire la fête. Les tournées ont décuplé cette avidité. Le tabac et l'alcool en font partie. Sans cela, je n'aurais jamais eu de cancer. Quand on fait trop le con, on le paie», avait-il déclaré à Michel Cymes, sur France 5, en cette même année 2012. Peu après, c’est à Jean-Marc Morandini qu’il avait fait des confidences : «Il y a eu plein d'abus (...) C'est ma faute à moi. J'ai toujours aimé faire la fête et je n'ai pas su m'arrêter.»
Au rythme de deux paquets de cigarettes et d’une bouteille de whisky par jour, l’addition lui parvient un matin alors qu’il s’essaie à chanter mais qu’il perçoit une étrangeté dans sa gorge. Il va consulter un ORL. L’analyse tombe trois jours plus tard : tumeur cancéreuse. «Quand vous avez une boule de deux centimètres qui vous pousse la glotte, ça fait peur», résumait-il alors.
Lors de l’entretien, sur Europe 1 avec Jean-Marc Morandini, qui s’est récemment pourvu en cassation dans l’affaire de harcèlement sexuel dans laquelle il est impliqué, l’ancienne star de la radio et de la télé avait évoqué un autre volet que celui de la maladie : ses problèmes d’argent. «Pendant un moment, j'ai eu le RSA puis l'allocation adulte handicapé. Cela peut arriver à tout le monde», avait-il lâché. Étranglé financièrement, il avait pu compter sur le soutien d’un vieil ami, Gilbert Montagné.

«Il était parti s'installer à Nice et, un jour, par une amie commune que nous avions sur place, j'ai appris qu'il n'avait… plus vraiment de toit», se remémorait le chanteur de Sunlight des Tropiques, peu après la mort de Pascal Brunner, dans Télé Loisirs. «Alors, j'ai actionné tout ce que je pouvais, j'ai appelé le Conseil général des Alpes-Maritimes, le maire de Nice, Christian Estrosi. Et ils ont été formidables en lui trouvant en quelques heures un appartement thérapeutique.»
Dans son malheur, Pascal Brunner a pu compter sur d’autres soutiens de poids : Valérie, la maman de Marine, rencontrée en 1990 et dont il avait divorcé 10 ans plus tard, et Dominique, sa dernière compagne, rencontrée alors qu’il était déjà malade. «Une femme de cœur, en pleurs aujourd'hui», avait souligné Gilbert Montagné avant d’ajouter : «Pascal va nous manquer mais il ne faut pas qu'on soit triste car il n'aurait pas aimé. Et je ne suis pas trop triste non plus parce que - c'est terrible ce que je vais dire -, mais il a trop souffert et c'était mieux qu'il parte.»
Au soir de sa vie, alors que depuis la plage de Nice, il revenait sur les belles heures de sa carrière devant la caméra de Bling, Pascal Brunner, très ému, lâchait : «C’était des années bonheur. On a été heureux.» avant de conclure, incapable de retenir ses larmes : «On a fait un beau travail.»