Roman Polanski, un nom qui est associé à des chefs-d'oeuvre (Chinatown, Rosemary's Baby, Le Pianiste, pour ne citer que ceux-là), à un drame (l'assassinat de son épouse Sharon Tate en 1969, alors qu'elle est enceinte de 8 mois), à son passé d'enfant du ghetto de Cracovie et enfin à un scandale qui lui vaut encore aujourd'hui d'être accusé de "relations sexuelles illégales" aux Etats-Unis... Le cinéaste franco-polonais profite de la réédition de son autobiographie Roman par Polanski (éditions Fayard) pour se livrer en interview au magazine Le Point et... faire le point, car ce qu'il souhaite est clair : "Je veux être aimé ou détesté, mais pour mon oeuvre."
L'extradition de Roman Polanski aux Etats-Unis a été définitivement refusée par la justice polonaise en 2015. Le réalisateur y est accusé du viol de Samantha Geimer, mineure au moment des faits en 1977. Il avait été arrêté en 2009 à Zurich, où il était allé recevoir un prix, puis assigné à résidence en Suisse pendant quelques mois, mais il n'avait pas été extradé. L'artiste se souvient de cette période noire : "Vous savez que le bracelet électronique que j'ai dû porter, les Suisses me l'ont fait payer ? Ça m'a fait penser aux Chinois, qui font payer les balles aux condamnés... (...) En 2010, une affaire m'a valu, en Suisse et en Pologne, des actions judiciaires que j'ai vécues comme un complot contre ma liberté. Ce qu'on a fait à ma vie, il fallait que je le raconte, pour répondre au flot de choses fausses écrites sur moi. Et aussi parce que le monde a changé autour de nous depuis trente ans. J'ai voulu que le lecteur sache combien les rapports entre les sexes, aujourd'hui étouffés et écrasés par le puritanisme, étaient libres autrefois. Combien la société était plus permissive, ou au moins tolérante. (...) Il ne m'était jamais venu à l'esprit que je pourrais un jour finir en prison, ma vie et ma carrière brisées, pour avoir fait l'amour."
Nous, on était tout le temps amoureux.
Quel est donc ce monde dans lequel il a vécu ? Un univers marqué par la trinité "sex, drug & rock'n'roll ? "La drogue ? On fumait de l'herbe... Aujourd'hui, les drogues sont plus dures et la sexualité plus molle. J'ai vraiment eu de la chance de vivre dans les années 1960-1970, où tout semblait plein d'espoir, de bons projets. (...) Les jeunes ont peur de l'autre. Je le vois avec mes enfants : ils ont beaucoup moins de temps à consacrer à l'amour. Je ne parle même pas de sexe, mais d'amour. Nous, on était tout le temps amoureux." Pour autant, il est aujourd'hui un homme qui a fondé une famille avec Emmanuelle Seigner, mère de ses deux enfants Morgane, actrice, et Elvis, qui vient de fêter ses 18 ans : "La famille, c'est mille fois mieux que la chasse sexuelle, et moi, je ne le savais pas. J'aurais peut-être pu le savoir avant... Comme vous le savez, Sharon était enceinte de huit mois..."
Avec pudeur, il se souviendra du drame de sa vie : "La mort de Sharon est la seule ligne de partage qui ait réellement compté dans ma vie. (...) Après, chaque fois que j'ai eu conscience de m'amuser, je me suis senti coupable."
Le grand réalisateur abordera aussi le long métrage La Liste de Schindler, puisque Steven Spielberg lui avait parlé du projet : "Trop proche de ce que j'ai vécu. C'était le même ghetto de Cracovie, où chaque coin, chaque pierre est resté dans ma mémoire et je ne voudrais pas les perdre. Un film aurait recouvert la réalité." Le mal du XXIe siècle, Daech, pense-t-il qu'il en ferait un sujet de cinéma : "Absolument pas. Il n'y a rien de plus bas que ça. Le mal ? Une bande de petits cons. (...) A mon avis, il y a beaucoup de problèmes sexuels là-dedans, les 72 vierges pour eux, c'est réel..." Pour le moment, c'est sur l'affaire Dreyfus que le cinéaste planche.
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le magazine Le Point du 14 avril
Roman par Polanski, de Roman Polanski, aux éditions Fayard à partir du 18 avril