11 décembre 1936, secousse sismique dans la royauté britannique : le roi Edouard VIII, monté sur le trône en janvier de la même année à la mort de son père le roi George V, abdique - un fait sans précédent et sans récurrence dans l'histoire du royaume. Une décision motivée par sa volonté d'épouser, vaille que vaille, l'Américaine Wallis Simpson - une union interdite au roi, qui était par ailleurs chef de l'Eglise d'Angleterre, du fait des deux divorces précédents de sa bien-aimée (l'église anglicane prohibant le remariage après un divorce - ce qui, de nos jours, constitue un vrai casse-tête pour le prince Charles, remarié à Camilla Parker-Bowles). Connu pour avoir multiplié les aventures avec des femmes mariées alors qu'il n'était encore que prince de Galles (et c'est par l'une de ses maîtresses qu'il rencontra Wallis Simpson), Edouard VIII avait déjà choqué en assistant à son investiture qu'au travers d'une fenêtre et en compagnie de la roturière de son coeur honnie par les sujets et les institutions britanniques. Sa volonté était inflexible.
Après son abdication, fait duc de Windsor par son oncle Albert devenu le roi George VI, Edouard, dont les relations avec la famille royale se dégradèrent en raison de ce fait d'éclat mais aussi de ses accointances notoires avec les régimes totalitaires de Mussolini et Hitler et ses amitiés avec des personnalités nazies (Wallis fut elle-même, un temps, la maîtresse du gendre de Mussolini), fut libre d'épouser Wallis Simpson. Ce qu'il fit le 3 juin 1937 : les noces se tinrent en France, au château tourangeau de Candé, propriété du sympathisant nazi Charles Bedaux, qui l'avait acquis en 1927. Cette histoire passionnelle et polémique, la reine de la pop Madonna y consacre son second long métrage, qu'elle achève en ce moment même, avec James d'Arcy et Abbie Cornish dans les rôles principaux.
Interdit de retour en Grande-Bretagne, puis chargé des relations entre les états-major franco-britanniques lorsque la Seconde Guerre mondiale, puis déserteur lorsque les forces allemandes envahissent la France et en fuite après la défaite, le duc reviendra en Hexagone (qui, à la fin de la décennie précédente, lui avait généreusement octroyé un hôtel particulier durant son exil) après 1945. Avons son épouse, ils mèneront grand train, habitués des mondanités. Le duc est décédé en 1972, la duchesse en 1986 : mais de leur passion restent les traces d'un goût commun pour le faste et notamment... les bijoux (un aperçu en images ci-dessus).
Certains de ces bijoux et objets précieux, dont des pièces créées par Cartier et notamment signés par Jeanne Toussaint (directrice de la haute joaillerie de la maison de 1933 et jusqu'à la fin des années 1960), ont été vendus aux enchères mardi pour 9,4 millions d'euros, à Londres, a annoncé la maison de vente Sotheby's. Une somme qui explose les estimations, lesquelles tablaient sur un total de 3,5 millions d'euros. Les pièces vendues à Londres appartenaient à la collection de 306 lots dispersée en 1987 à Genève pour la somme record de 75,4 millions de francs suisses de l'époque (38 millions d'euros).
Ayant largement contribué à faire grimper le compteur, un bracelet-panthère incrusté de diamants et d'onyx de 1952 que le duc offrit à la duchesse a été adjugé 5,3 millions d'euros - un record pour un bracelet dans une vente aux enchères.Si l'acheteur ne s'est pas fait connaître, on remarquera que Madonna, immergée dans l'histoire du couple ducal, avait témoigné un certain intérêt pour cette pièce phare. De quoi nourrir quelques spéculations sur un hypothétique cadeau de luxe de la Madone à elle-même ?
Et un responsable de Sotheby's de souligner que cette vente n'offrait "pas seulement des exemples incomparables du génie de Cartier dans sa collaboration avec les Windsor, mais aussi des pièces dont les inscriptions racontent l'une des plus belles histoires d'amour du 20e siècle". "We are ours now", telle était la déclaration gravée dans la bague de fiançailles offerte en 1936 par Edouard VIII à sa bien-aimée...
G.J.