Comme un air de déjà-vu. Deux ans après Mommy et un Prix du jury partagé avec un Jean-Luc Godard absent, Xavier Dolan remontait à nouveau sur la scène du Grand Théâtre Lumière pour recevoir le Grand Prix avec son film Juste la fin du monde. Ses larmes étaient, elles aussi, au rendez-vous. Au risque d'agacer des détracteurs décidément prévisibles, le jeune cinéaste québécois a pourtant offert un beau discours, très intime et viscéral.
"Si vous ne connaissez pas bien Xavier Dolan, sachez qu'il pleure de ne PAS avoir la palme." À l'image de ce tweet, de nombreux internautes et spectateurs ont à nouveau reproché à Dolan d'en faire trop, ironisant (ou pas) sur le fait que ce perfectionniste que l'on croit imbu de lui-même au point de penser que son cinéma serait au-dessus des autres voulait la Palme et rien d'autre. Comme il y a deux ans, où son discours ressemblait à celui d'un potentiel vainqueur. Mais non, on a surtout découvert que Xavier Dolan était un grand émotif, un sensible qui ressent peut-être plus que d'autres, et qui s'en sert pour nourrir ses films comme Juste la fin du monde, drame d'une intensité rare à la distribution 5 étoiles.
"Il n'est pas toujours facile de partager ses émotions avec les autres. La violence sort parfois comme un cri ou comme un regard qui tue. En partant d'un matériau fort, qui est Juste la fin du monde du grand Jean-Luc Lagarce, que j'espère tellement ne pas avoir déçu où qu'il soit, j'ai tenté au mieux d'extraire un film puis de raconter l'histoire et les émotions de personnages parfois méchants, parfois criards, mais surtout blessés et qui vivent comme tant d'entre nous, comme tant de mères, de frères, de soeurs, dans la peur, dans le manque de confiance, dans l'incertitude d'être aimés", a ainsi déclaré sur Xavier Dolan, refoulant ses larmes et sanglots.
Je préfère la folie des passions à la sagesse de l'indifférence
Bouleversant, le Canadien de 27 ans a avoué qu'il faisait des films pour qu'on l'aime et que la passion n'était pas qu'un leitmotiv. "Tout ce qu'on fait dans la vie, on le fait pour être aimé. Moi en tout cas oui. Pour être accepté, a-t-il assuré, la gorge nouée. Plus je grandis, plus je réalise qu'il est difficile d'être compris, et plus paradoxalement je me comprends moi-même et je sais maintenant qui je suis."
Il poursuit : "Votre témoignage, votre compréhension, votre amour ce soir, me laissent croire qu'il faut faire les films qui nous ressemblent. Avec le coeur, à l'instinct et sans compromis, sans céder à la facilité. Même si l'émotion est une aventure qui voyage parfois mal jusqu'aux autres, elle finit toujours par arriver à destination."
S'affirmant à un nouveau "moment déterminant" de sa vie, Xavier Dolan assure que "la bataille continue" et promet de continuer dans cette même veine, et même si les critiques l'égratignent - "Si les gens détestent le film, ne le comprennent pas, ne l'estiment pas, alors j'ai l'impression qu'on m'a mal compris, qu'on a mal aimé", a-t-il confié plus tard au micro de Léa Salamé. Et de conclure son discours : "Je tournerai toute ma vie des films qui seront aimés ou non. Mais comme disait Anatole France : 'Je préfère la folie des passions à la sagesse de l'indifférence'."