Le 29 novembre dernier, toute la famille Chirac, y compris leur fille aînée Laurence que personne n'avait revue en public depuis sa tentative de suicide en 1990, est réunie autour de Jacques pour son 80e anniversaire. La réunion a lieu dans les bureaux de son épouse Bernadette Chirac au sein de la Fondation Claude Pompidou. Le portrait de famille est touchant. Paris Match est là pour l'immortaliser sur huit pages de papier glacé. Dans un édifiant papier intitulé Chirac confidentiel, publié ce week-end dans M, le supplément magazine du Monde, la journaliste Béatrice Gurrey dresse pourtant un autre portrait de la famille Chirac où règne Bernadette, "mondaine, hautaine, enfin indépendante d'un homme qu'elle toujours servi".
Mélancolie et solitude
On sait que l'ancien président souffre d'anosognosie, un symptôme d'Alzheimer qui est à l'origine de troubles de la mémoire dont le patient n'a pas conscience, mais Bernadette Chirac se garde bien d'en évoquer l'évolution. Jacques Chirac se rend pourtant chaque jour, "avec une régularité de métronome, de 10h à 19h", dans ses bureaux de la rue de Lille. Il n'en demeure pas moins isolé, sa liberté de parole verrouillée par son épouse et leur fille Claude, qui fut longtemps sa conseillère en communication. "Quelle mélancolie, quelle solitude pèsent désormais sur les épaules de cet homme pour lequel le monde s'est brutalement rétréci !, écrit notre consoeur. Ni la mère ni la fille n'ont envie d'entendre - outre d'éventuelles manifestations de la maladie - le vieux président s'exprimer à sa guise. Elle ont déjà eu toutes les peines du monde à gérer son appel à voter Hollande, en 2011, pourtant bien réel." Pour que l'ancien président ne puisse s'épancher au micro à l'occasion des présidentielles, son épouse et sa fille décident qu'il votera par procuration. Plus tard, Bernadette Chirac déclare dans les dîners : "Rendez-vous compte, dans ma famille, ils ont tous voté Hollande, sauf Jacques. Mais il ne le sait pas."
Presque de la violence physique
Le plus triste, c'est sans doute que Jacques Chirac et son épouse se chamaillent en permanence. Les Pinault, très proches amis, "n'en peuvent plus", mais se gardent bien de faire le moindre commentaire. On se souvient du regard noir de Bernadette à son époux alors qu'il papotait dans son dos avec une jolie blonde - une séquence devenue culte dans Le Petit Journal. Mais pour un familier du couple, c'est bien en-deçà de la réalité : "Il est dans la transgression permanente. Elle lui parle sans ménagement. Ce n'est pas de la violence physique mais presque." On pense alors à cette anecdote rapportée en novembre dans Le Point, le couple Chirac est en vacances à l'Hôtel de la Gazelle d'or au Maroc le 29 octobre dernier. Bernadette Chirac lance à son époux, très fort, de sorte que tout le monde l'entende : "Élisabeth et Robert Badinter ont mieux à faire que de dîner avec vous... Vous n'êtes que le bruissement des ailes d'un insecte." Une petite phrase bien cruelle.
On lance alors l'opération Paris Match. "Claude Chirac toujours attentive à la popularité de ses parents, a fini par sentir le danger après toutes ces images montrant sa mère revêche avec la presse, peut-on lire dans le magazine du Monde. L'opération Paris Match de fin novembre, préparé de longue date à Taroudant [ville marocaine où se trouve La Gazelle d'or, NDLR] avec la journaliste Caroline Pigozzi, s'imposait avec d'autant plus d'évidence."
Chirac confidentiel, de Béatrice Gurrey pour M, le magazine du Monde. 15 décembre 2012.