Bernard-Henri Lévy ou l'art de pirater le Festival de Cannes sans y mettre les pieds... en défendant Polanski et Panahi !
Publié le 17 mai 2010 à 16:10
Par Mimi M.
BHL BHL© Angeli
Roman Polanski et Charlotte Lewis au festival de Cannes, en 1986, à l'occasion du film Pirates.
Roman Polanski et Charlotte Lewis au festival de Cannes, en 1986, à l'occasion du film Pirates.
Frédéric Mitterrand et Gilles Jacob
Roman Polanski
Jack Lang
Woody Allen
Jafar Panahi
Roman Polanski et Charlotte Lewis au festival de Cannes, en 1986, à l'occasion du film Pirates.
Roman Polanski et Charlotte Lewis au festival de Cannes, en 1986, à l'occasion du film Pirates.
Roman Polanski et Charlotte Lewis au festival de Cannes, en 1986, à l'occasion du film Pirates.
Roman Polanski et Charlotte Lewis au festival de Cannes, en 1986, à l'occasion du film Pirates.
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Il fallait voir la tête de Gilles Jacob, président du festival de Cannes, samedi soir, en haut des marches, pendant que Frédéric Mitterrand, entouré de trois jeunes Iraniens et Iraniennes beaux comme des chats persans, donnait lecture publique de la lettre de Jafar Panahi, le juré absent de Cannes, l'homme à la chaise vide, le masque de fer du Festival.

Il faisait la tête, le président ! Il avait l'air vraiment très contrarié et ça se voyait. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir un peu en arrière.

Tout commence à la veille de l'ouverture du Festival, quand Bernard-Henri Lévy et Jean-Luc Godard rendent publique la "pétition des cinéastes" en faveur de Roman Polanski et qu'ils la jettent, comme une bombe, sur la Croisette. Pendant deux jours, on ne parle que de ça ! Ce sont en premier Mathieu Amalric, Olivier Assayas, Jean-Stéphane Bron, Patricio Guzman, Jean Paul Civeyrac, Katell Quillévéré, Cristi Puiu, Xavier Beauvois, Agnès Varda, Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Mocky... Tous ces cinéastes présents à Cannes pour le 63e Festival ont mis en ligne mardi soir sur le site de la revue de Bernard-Henry Lévy, La Règle du Jeu, une pétition en faveur de Roman Polanski. Cette pétition est "une réaction au texte paru dimanche dernier où Roman Polanski lui-même apportait des éclairages juridiques nouveaux et troublants sur la demande d'extradition qui le vise".

Depuis, à Cannes, on parle moins des films, on parle de Polanski ! On se fiche si les critiques de Robin des Bois sont moyennes, on n'a d'yeux et d'oreilles que pour la charge de Bernard-Henri Lévy contre Tim Burton, le président du jury, "grand artiste mais médiocre caractère", ou les raisons citoyennes données par Michael Douglas de ne pas signer cette pétition... Polanski, grâce à BHL, a déboulé sur la Croisette - sauf que ce n'était pas prévu par le protocole et qu'il n'était pas invité. Depuis, chaque journaliste pose la question à chaque comédien ou metteur en scène qui sont là pour films et promo : "Vous avez signé la pétition en faveur de Roman Polanski ?" De quoi énerver Gilles Jacob, on peut comprendre !

Woody Allen a été questionné... comme tout le monde ! "Je pense que cette histoire est idiote, ne rime à rien, c'est arrivé il y a de nombreuses années, il en a souffert", a-t-il commenté, ajoutant : "Il n'a pas été autorisé à rentrer aux Etats-Unis, il a passé du temps en prison, pas beaucoup mais quand même. Il a payé son dû". Il a conclu : "Polanski a fait une chose, il a été puni, ça suffit".

Puis, rebelote. C'est l'actrice anglaise Charlotte Lewis qui lance sa soi-disant révélation sur les soi-disant relations sexuelles qu'elle aurait eues, à 16 ans, avec le réalisateur de Pirates. Le Festival, par la voix de son Président, n'a sans doute pas eu la bonne réaction : "Il y a le cinéaste et le citoyen. Le cinéaste est un immense cinéaste. Il y a le citoyen. Personne n'est à l'abri des lois", déclare-t-il sur RTL, en rajoutant tout de même "Ce n'est pas à nous - on ne connaît pas le dossier - ce n'est pas à nous de juger". Il n'était pas vraiment nécessaire qu'il donne cet avis-la, au moment de ce mauvais rebondissement. Et c'est de nouveau Bernard-Henri Lévy qui, depuis Paris, multiplie les interviews pour tonner contre tant de déclarations, inappropriées pour lui, et défendre, plus que jamais, son ami emprisonné.

D'autant que le journal Libération a retrouvé une interview publiée à l'époque dans un tabloïd anglais, News of the world, de la nouvelle accusatrice du réalisateur. En 1999, Charlotte Lewis affirmait : "Je savais que Polanski avait fait quelque chose de mal aux Etats-Unis, mais je voulais être sa maîtresse. Je le désirais probablement plus que lui ne me voulait". Elle raconte alors une première relation sexuelle à 17 ans et explique que sa liaison avec Polanski aurait duré 6 mois. Elle ne fera bien sûr jamais aucune allusion à des abus sexuels et raconte que leur relation se serait terminée en Tunisie quand Polanski lui a présenté un de ses amis, qui n'aurait été autre que... Warren Beatty. Elle raconte aussi qu'elle a commencé à avoir des relations sexuelles tarifées dès l'âge de 14 ans, avec des hommes plus âgés. Elle décrit encore, toujours d'après Libération, son statut (revendiqué) de prostituée durant des voyages au Moyen-Orient et mentionne des "cures de désintoxication". N'en jetez plus, la coupe est pleine.

Il n'est pas certain que son avocate spécialisée dans les scandales, Gloria Allred, connaissait bien le dossier de sa cliente, qui, on le précise, n'a pas déposé plainte. Elle voulait juste que la Suisse soit au courant des soi-disant exactions de Polanski avant de prendre sa décision d'extradition. Ces déclarations pourraient au contraire plutôt bénéficier au réalisateur qu'être à charge. C'est ce qu'a confié Emmanuel Carrère, membre du jury du Festival, en qualifiant ce nouveau rebondissement de "très tardif et outrancier".

On aimerait bien le zapper, Polanski ! On aimerait bien qu'il se fasse extrader une bonne fois et qu'il arrête de jouer les fantômes de l'opéra festivaliers. Mais c'est compter sans BHL, qui se démène pour imposer la présence du fantôme et faire que le festival ne se déroule, en aucun cas, sur le dos de Roman et en son absence complète. Gilles Jacob a précisé : "Je n'aimerais pas qu'au Festival de Cannes nous servions d'appât pour arrêter les cinéastes", se référant à l'arrestation de Polanski en Suisse le 26 septembre 2009 alors qu'il était l'invité d'honneur du Festival du film de Zurich qui devait lui remettre un prix pour l'ensemble de son oeuvre.

Et puis, troisième etape : l'affaire Panahi. Qui est Panahi? Le douzième juré du festival. Celui qui est empêché d'être là parce qu'il est enfermé, à Teheran, dans la prison d'Evin, par les Gardiens de la Révolution d'Ahmadinejad. Sauf que, là encore, notre BHL national agit. Directeur du magazine en ligne La Règle du Jeu, il a installé, au sein du magazine, un blog spécialement dédié à l'Iran qui s'appelle Nouvelles de l'Iran et qui est dirigé par l'une des stars de la mouvance démocratique iranienne, auteur du best-seller Tchador et dentelles, Armine Arefi. Le blog est mis en mouvement. Tous les contacts, en Iran et hors d'Iran, sont activés. On entre en liaison avec la femme et les enfants de Jafar Panahi. Bernard-Henri Lévy n'a donné qu'une consigne : entrer en contact, coûte que coûte, avec le prisonnier ; l'informer du fait que son absence est ressentie, sur la Croisette, comme un scandale ; et faire sortir un message de lui que publiera La Règle du Jeu. Le message arrive. Bernard-Henri Lévy se fait convaincant et le ministre de la Culture de le lire, publiquement, en haut des marches du Palais des Festivals. Et cela, à nouveau, au mépris de tout protocole. Et cela, à nouveau, en semant un indescriptible désordre.

BHL n'a pas mis les pieds à Cannes, seule son épouse Arielle Dombasle a monté les marches le soir de l'ouverture, au bras de Frédéric Mitterrand... Mais le moins que l'on puisse dire est qu'il y a été sacrément présent !

A partir de ce soir, sur Canal+, un documentaire portrait sera consacré à Gilles Jacob, l'âme du Festival de Cannes depuis 1978. Il se serait bien passé des turbulences créées par BHL, comme du Mistral qui agite la Croisette cette année et des prises de position qui se téléscopent, alors que certains grands noms attendus viennent de déclarer forfait...

Pour revenir à l'affaire Polanski - toujours lui ! -, via son avocat George Kiejman : il vient de faire savoir que les déclarations de Charlotte Lewis sont des mensonges, purement et simplement. Jack Lang, ancien ministre de la Culture n'ayant pas les obligations de réserve de Frédéric Mitterrand, a donné ce week-en deux interviews au Matin Suisse et au Parisien : "La Suisse s'honorerait en libérant Polanski". Il déclare que "le dossier est mal fichu et révèle une manipulation politicienne aux Etats-Unis".

Comme nous l'avons toujours dit depuis le début, les faits sont graves, ce sont "des relations sexuelles illégales avec mineure". La jeune fille avait 13 ans au moment des faits en 1977. Polanski a plaidé coupable à l'époque et indemnisé la victime. Il est assigné à résidence avec un bracelet électronique dans son chalet de Gstaad en Suisse depuis le 4 décembre après plus de deux mois de prison.Il est en attente d'une décision d'extradition (ou non) de la part du ministère de la Justice suisse, extradition qu'il a refusée. Il maintient, et ses avocats également, qu'il a déjà purgé sa peine à l'époque des faits.

 

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