"Petite, je voulais être Zorro." De rêves fous d'enfant, dessinés dans un Zimbabwe natal déchiré, en destin géant, qui des années après a pris corps et s'étoffe sur le Rocher, la princesse Charlene de Monaco n'a pas perdu chemin faisant le désir d'être utile et d'aider. Pourfendre et prendre aux riches pour donner aux pauvres ? Combattre, masquée, l'injustice ? Elle a fait mieux : par la grâce d'une rencontre, celle, en l'an 2000, du prince Albert II, elle a rejoint la rive des nantis, d'où elle est mieux placée que quiconque pour, à visage découvert, se tourner vers autrui et rendre ce dont elle jouit.
La princesse aux pieds nus
On l'a dépeinte comme insoumise, la pointant du doigt comme fugitive à l'heure de passer devant l'autel, à l'été 2011 ; elle est encore parfois incomprise, lorsqu'une absence inexpliquée attise la rumeur ou qu'une démonstration de joie de vivre "intempestive" est observée de sa part, comme lors de ses récentes vacances aux Antilles ; la vérité, c'est que Charlene semble désormais pleinement acquise à son nouveau rôle. Elle le revendiquait il y a quelques jours dans un entretien exclusif accordé à nos confrères de Nice-Matin, affirmant au sujet de la principauté de Monaco, et loin de l'image d'altesse prisonnière qu'on a pu vouloir donner d'elle, que "c'est [s]on pays", entre autres confidences. Femme épanouie, princesse enfin à l'aise et épouse sereine en attendant d'être mère, Charlene affiche également ce mois-ci son bien-être et son assurance croissante dans les pages de l'édition italienne de Vanity Fair, parue le 12 mars. À défaut d'en être la cover girl (exercice qu'elle a dans le passé accompli à merveille pour Vogue Japon), laissant aux stars d'Hollywood les paillettes, l'altesse monégasque de 35 ans, de plus en plus ouverte aux sollicitations depuis le lancement de sa fondation en décembre 2012, s'y affiche très glamour en pages intérieures, dans une série photo réalisée dans l'intimité des appartements privés du palais princier.
Dans un décor qui lui sied bien, fait de "mobilier contemporain, de photos d'animaux sauvages de son Afrique, de vases remplis de protéas, ses fleurs préférées" [originaires d'Afrique du Sud, NDLR] ou encore de "délicates bougies parfumées", comme le détaille Vanity Fair, la princesse Charlene reçoit en jeans et pieds nus. "Parole après parole, elle prouve que pour elle, en dépit de la rigidité du protocole, ce qui compte vraiment, c'est le comportement, l'action plutôt que la représentation. Que sa vie est simple, malgré la complexité du rôle qui lui incombe." Le portrait d'une jeune femme de son temps, bien dans sa peau, qui correspond bien à ce que ses proches disent d'elle quand ils mettent en exergue sa joie de vivre, sa bonne humeur, son sens de l'humour et sa convivialité typiquement sud-africaine - autant de qualités en sourdine lorsque la princesse est en représentation officielle.
Traumatisée, conscientisée...
L'entretien, immanquablement, s'amorce autour de l'engagement de la princesse Charlene via la fondation à son nom pour éradiquer la noyade chez les jeunes, et, plus largement, pour inculquer la pratique du sport dès le plus jeune âge comme vecteur d'épanouissement, comme elle-même l'a éprouvé. Une fois encore, avec émotion, l'ancienne nageuse de haut niveau revient sur le double épisode qui a motivé son action : "C'était au printemps 2011, avec mon frère, avec qui j'adore faire du surf. On était au Maroc, à Agadir. (...) Ce jour-là, le courant était extrêmement fort. Quand nous sommes revenus sur la plage, nous avons aperçu deux petits corps près d'un mannequin en plastique. Deux enfants, de 6 et 4 ans, noyés. (...) Deux mois plus tard, une situation complètement différente : je suis en France, chez des amis, et ils me montrent leur nouvelle piscine, dans le jardin. Quelques semaines après, j'apprends qu'une de leurs petites-filles, âgée de 2 ans, est tombée dedans et est morte en quelques minutes. Une tragédie intolérable : c'est ce jour-là que ma mission a commencé." Elle met alors en avant, pour justifier qu'elle ne se contente pas d'un rôle symbolique mais mouille au contraire le maillot (on l'a constaté en Afrique du Sud, au Maroc ou dans les Landes), son passé de nageuse émérite (triple championne lors des Jeux pan-africains de 1999 à Johannesburg) : "C'est une chose que je sais faire, alors pourquoi la déléguer ? J'ai tellement reçu de la vie, cela me semble juste de rendre ce que j'ai eu. D'autant plus que j'adore les enfants", assure-t-elle.
"Albert a su m'aider à franchir les obstacles..."
La transition est toute trouvée : à propos d'enfants, son interlocuteur lui demande alors si elle prévoit d'en avoir avec le prince Albert, suite logique à leur histoire d'amour espérée depuis leurs noces en juillet 2011. "Nous le désirons vraiment : tout est entre les mains de Dieu, affirme-t-elle, bientôt un an après sa précédente réponse - semblable - sur le sujet. Notre couple a surmonté tant de moments difficiles, de transformations profondes dans notre vie personnelle, être ensemble a toujours été un défi qui nous a unis. J'ai une confiance sans limite dans notre amour. Le prince Albert est mon mari, mais a toujours été également mon meilleur ami, et il a su m'aider à franchir les obstacles qui me semblaient insurmontables. (...) La décision de m'installer à Monte-Carlo et de mettre fin à ma carrière sportive a été un énorme changement, au bout de vingt ans. (...) Si j'ai surmonté cette période difficile, je le dois à la présence, à l'attention et à l'amour de celui qui était alors mon fiancé et qui est aujourd'hui mon époux."
Juste avant que le prince Albert apparaisse lors de l'entretien, dépose un baiser à sa femme et salue son intervieweur, Charlene se plaisait à évoquer le moment où elle a pris conscience que leur histoire était vraiment sérieuse : "Quand il m'a invitée aux Jeux d'hiver à Turin, en 2006, où les paparazzi étaient présents en masse. Voir les photos de nous faire le tour du monde [c'est à cette occasion que le souverain monégasque officialisait sa compagne, NDLR] m'a fait prendre conscience que, dans notre relation, quelque chose avait changé." Après sa brève interruption, elle ne rechigne pas non plus à revenir sur l'épisode de la rumeur de sa fuite au moment du mariage : "J'étais au palais, occupée par les derniers préparatifs. Quand on m'a raconté ce qui se disait, je me suis mise à rire. Où aurais-je bien pu fuir ? Je pense qu'on m'aurait retrouvée même sur la Lune. Cela a été un moment très dur, pour tout le monde. Puis j'ai prié beaucoup, j'ai fait marcher mon bon sens et je me suis souvenue pourquoi j'étais là. J'étais là parce que j'avais choisi d'épouser le prince Albert. J'avais choisi de l'épouser parce que je l'aime et que je veux passer avec lui le restant de mes jours. (...) Et nous en sommes sortis plus forts et plus unis."
"Le passé d'Albert ne m'appartient pas"
La journaliste de Vanity Fair osera même aborder, plus tard dans la discussion, le sujet des enfants illégitimes du prince Albert. "Le fait de le savoir vous préoccupe-t-il ou vous rassure-t-il ?", s'entend ainsi demander Charlene, qui s'emploie alors à répondre : "C'est difficile à expliquer. Mon mari et moi partageons les mêmes valeurs. Albert est passionné, intelligent, romantique, il est l'homme que j'aime et que j'estime. Son passé ne m'appartient pas. Et puis, franchement, s'il en était autrement, peut-être que je ne serais pas là."
"Un jour que j'avais 7 ans..."
En somme, elle s'est fait justice elle-même, par amour, pour l'amour. Au rayon flash-backs, la princesse Charlene s'ouvre également sur son enfance : "Désolée de décevoir, dit-elle quand on lui demande si elle rêvait d'être princesse, mais en fait, je voulais être Zorro. Aux longs habits et aux couronnes de mes amis, je préférais jouer pieds nus dans les bois à Bulawayo, ma ville, au Zimbabwe. Un jour - j'avais 7 ans - que je cavalais avec le manteau noir et la fausse épée de mon idole quand je suis tombée et me suis cassé le bras en six endroits. Pour la rééducation musculaire, je me suis inscrite à un cours de natation. Et voilà comment est née la passion qui m'a emmenée jusqu'aux Jeux olympiques."
De là, elle en vient tout naturellement à parler de ses jeunes années en Afrique, terre à laquelle elle demeure plus que jamais attachée, même depuis le Rocher. Une jeunesse pleine de liberté mais aussi très difficile, bousculée par la guerre civile : "Dès qu'un camarade manquait à l'appel, à l'école, je pouvais m'attendre à ne plus jamais le revoir, ou parce qu'il avait fui avec sa famille, ou parce qu'il avait été tué. Au bout du compte, quand j'avais 12 ans, mon père a décidé que nous ne pouvions plus rester, c'était devenu trop dangereux. Nous avons déménagé en Afrique du Sud : un vrai traumatisme. Pas d'Internet, pas de téléphone portable. Mes amis, mon monde, s'étaient évanouis du jour au lendemain. À Citta del Capo, nous avons vécu en plein Apartheid, les Blancs séparés des Noirs, chose que je n'avais jamais connue. Et puis j'avais le manque de la forêt, de la nature, de pouvoir aller pieds nus observer le petit d'un rhinocéros, en douce pour ne pas me faire gronder par ma mère. Pour qui a vécu ainsi, en Afrique, impossible de ne pas en avoir la nostalgie." On comprend d'autant mieux toute l'affection et toute l'admiration qu'elle portait à Nelson Mandela, icône de la lutte anti-Apartheid dont elle pleurait en décembre dernier la disparition, qui a d'ailleurs différé son entrevue avec Vanity Fair. Entrevue titrée, à cet égard, avec une citation significative : "Mandela était un héros pour moi. Aujourd'hui encore, quand je prends une décision, je pense à lui."
"Avoir du temps, rien que nous deux"
Pour finir, la conversation prend un tour tout personnel, quand Charlene de Monaco aborde - assez laconiquement - ses relations avec ses belles-soeurs les princesses Caroline et Stéphanie ("c'est le désir de toute femme que d'être acceptée par la famille de son mari") ou ce à quoi ressemble la vie du couple princier : "Nous aimons les choses simples. Regarder le sport à la télé, faire un barbecue dans le jardin, avec nos amis, dans notre résidence d'été. Albert enfile le tablier et fait les grillades, je prépare la salade. On fait du beach-volley avec les enfants des amis, on les laisse marquer les premiers." Et de compléter, plus loin, confiant son désir de partager avec son mari les belles choses qu'ils ont en commun : "La passion du sport, de l'écologie, des grandes causes humanitaires... Avec un espoir et un désir : avoir plus de temps pour nous. Pour nager ensemble, regarder un DVD, manger une pizza, sans personne autour. Rien que nous deux."