Si, conformément à ses dernières volontés, aucune cérémonie commémorative particulière n'a eu lieu en son honneur, Deborah Cavendish, duchesse douairière du Devonshire décédée le 24 septembre, a néanmoins eu droit jeudi 2 octobre à l'adieu vibrant d'une foule colossale où figuraient aussi bien son personnel, nombreux et en livrée, que le prince Charles et son épouse Camilla Parker Bowles, ou encore... du Elvis Presley.
Avec le décès, à 94 ans, de la très appréciée "Debo", dernière des six soeurs Mitford qui furent emblématiques d'un certain style de vie de l'aristocratie des années 1940, c'est une saga familiale fort peu conventionnelle qui glisse tout entière dans le passé. Contrairement à certaines de ses aînées, Deborah Mitford n'avait pas eu les penchants particuliers qui attirèrent notamment l'attention sur le clan : Diana avait épousé un leader fasciste, et Unity s'était liée avec Adolf Hitler. "Eh bien, je n'ai jamais été très intéressée par la politique, voyez-vous, et la vérité, c'est que je n'y ai jamais vraiment réfléchi, expliquait-elle en 2012 au Telegraph. Si vous vous asseyiez avec Churchill dans une pièce, vous vous rendiez compte de son fantastique charisme. Kennedy l'avait également. Mais pas Hitler [avec qui elle avait pris le thé, en visite à Munich, en 1937, NDLR] - pas selon moi, en tout cas."
En 1941, elle avait épousé Andrew Cavendish, futur 11e duc du Devonshire, auquel elle donna trois enfants, deux filles (Lady Emma Tennant, 71 ans, mère du mannequin Stella Tennant, et Lady Sophie Topley, 57 ans) et un fils (Peregrine, 12e duc du Devonshire, 70 ans), qui s'est chargé d'annoncer sa disparition. Ensemble, le couple redonna tout son lustre à Chatsworth House, qui, de tas de ruines à l'abandon, devint sous leur impulsion l'un des domaines historiques les plus visités du royaume, avec son château de 175 pièces dominant 14 000 hectares de nature au coeur du parc national du Derbyshire, dans le centre de l'Angleterre. À la mort d'Andrew en 2004, Debo, qui s'était fait une spécialité de faire le commerce des denrées issues de l'exploitation agricole du domaine, quittait cet endroit auquel elle avait consacré sa vie - au point d'être surnommée "la duchesse maîtresse de maison" - pour le village voisin d'Edensor (Derbyshire).
Ses obsèques émouvantes y ont eu lieu jeudi 2 octobre. La courte et simple messe de funérailles, suivie par deux cents personnes et animée notamment par le classique How Great Thou Art d'Elvis Presley (dont Deborah était une fervente adepte), a été célébrée dans l'église locale (Saint Pierre), que le cortège funèbre constitué de centaines de personnes, héritier du trône comme techniciens de surface, avait ralliée à pied derrière le corbillard depuis Chatsworth House, et elle a été inhumée auprès de son défunt époux dans le cimetière attenant (cette fois, un orchestre jouait New York, New York). Ils y reposent à côté de la tombe de Kathleen Kennedy, soeur de JFK, qui fut l'épouse du fils aîné du 10e duc du Devonshire. C'est dans les jardins de Chatsworth que ses proches (dont huit petits-enfants et dix-huit arrière-petits-enfants) lui ont rendu hommage et dit adieu.
Amis de la défunte depuis de longues années, le prince Charles (qui a même un buste d'elle dans son fief de Highgrove) et son épouse la duchesse Camilla, qui a par ailleurs eu la douleur d'enterrer cette année son petit frère Mark Shand, paraissaient sincèrement affectés, marchant juste derrière la famille de la défunte et le corbillard transportant le cercueil orné de cynorrhodon et de feuilles de fraisier, mais aussi d'oeufs frais (ses poules et elle étaient "inséparables", relève le DailyMail). Andrew Parker Bowles, premier mari de Camilla, était lui aussi présent, tout comme les quelque 600 employés orphelins de leur patronne, vêtus de leur livrée et formant comme une haie d'honneur le long de l'itinéraire du cortège. Dans un communiqué émis après l'annonce du décès de Deborah Mitford, le prince de Galles confiait avec une vive émotion et des mots touchants : "Ma femme et moi-même sommes profondément tristes d'apprendre la mort de la duchesse douairière du Devonshire, que, tous deux, nous adorions et admirions énormément. C'était une personnalité unique, qui avait une approche de la vie merveilleusement originale, et de mémorables tournures de phrase qui reflétaient cette originalité. La joie, le plaisir et l'amusement qu'elle a offert à tant de gens, en particulier grâce à ses livres, ainsi que sa contribution au Derbyshire durant ses années à Chatsworth, ne pourront pas être oubliés, et elle nous manquera beaucoup."