Ce 23 février 2024 restera dans les annales du cinéma français. En raison du sacre du long métrage de Justine Triet, Anatomie d'une chute, qui se dirige désormais vers les Oscars mais pas seulement. Sur scène à l'Olympia, l'actrice, réalisatrice et scénariste Judith Godrèche a livré un discours puissant, après avoir bousculé le monde du 7e art français ces dernières semaines avec ses déclarations fracassantes sur Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Elle a remis en cause les agressions sexuelles qui sévissent dans ce milieu et dont elle a été victime dans son adolescence, s'adressant cette fois-ci, les yeux dans les yeux, à ce que l'on surnomme la grande famille du cinéma. Une démarche pour laquelle elle avait imposé une condition.
Le Parisien a recueilli la parole de Judith Godrèche après son intervention aux César ce vendredi qui était très attendue. On apprend ainsi que personne n'avait lu le texte de l'artiste avant qu'elle ne le déclame : "C'était la condition de ma prise de parole. Je suis allée à l'Olympia mercredi, mais uniquement pour voir le plan de la salle." Pourquoi voir la salle ? "J'avais besoin de savoir où serait assise ma fille Tess [née de son ancien couple avec Maurice Barthélémy] pour pouvoir repérer où ancrer mon regard si je commençais à perdre mes moyens. D'ailleurs, pour puiser de la force, je cherchais le regard de Tess et j'avais dans ma poche une petite statuette d'ange doré que mon fils [Noé, le fils qu'elle a eu avec Dany Boon] m'a donnée.
Maintenant que la parole a été dite, il faut voir les conséquences. Judith Godrèche reste prudente, malgré l'enthousiasme de la salle qui lui a offert une standing ovation à laquelle la ministre de la Culture, Rachida Dati , a été l'une des premières à participer. "Si c'est l'expression d'un sentiment commun, alors ça se traduira par des actes. Si c'était un geste qui n'est pas ancré dans une conviction et un désir que les choses changent, alors il ne se passera rien. J'ai écrit ce discours pour qu'il fédère, qu'il suscite un changement", explique la comédienne qui a confié avoir été touchée par cette scène.
Judith Godrèche n'est pas naïve car ce qu'elle a dit dérange aussi beaucoup. Preuve en est avec le peu de soutiens de ses pairs depuis qu'elle a révélé avoir été abusé par les deux cinéastes. "Ceux qui m'ont envoyé des messages se comptent sur les doigts de la main. Il y a un silence que je vis au jour le jour. D'abord, le silence des adultes de l'époque où j'étais adolescente, qui se cachent dans les bois : même si je comprends que ces gens doivent faire face à la culpabilité, à la difficulté de dire les choses, c'est quand même assez stupéfiant. Ensuite, le silence du milieu du cinéma en général", précise celle qui a joué dans Ridicule.
Cependant, des personnalités se distinguent de ce malaise que suscitent les déclarations qu'elle a tenues. Justine Triet, Virginie Efira, Mona Achache, Bérénice Bejo, Ariane Ascaride ou Thomas Cailley mais aussi Juliette Binoche qui lui a apporté son soutien en interview pour Gala. Quant à Isild Le Besco, qui s'est également exprimée sur l'emprise que Benoît Jacquot aurait eu sur elle, Judith Godrèche ne s'étend pas auprès du Parisien mais elle dira : "Je suis heureuse que sa parole se libère. Je sais à quel point c'est difficile de se formuler les choses et de les nommer." Du temps, il en a fallu aussi depuis qu'Adèle Haenel avait fait son coup d'éclat tout aussi puissant aux César en 2020. "Le monde qui bouge", comme a dit la journaliste Daphné Roulier.
Jacques Doillon et Benoît Jacquot sont présumés innocent des faits reprochés jusqu'à la fin définitive de leur procès.