Le 10 décembre dernier, Dominique Strauss-Kahn et sa victime présumée Nafissatou Diallo signaient un accord financier secret devant le tribunal du Bronx. Cet accord met un point final à l'affaire au civil. Un an et demi plus tôt au pénal, le procureur Cyrus Vance jugeait son dossier léger et la victime peu crédible : il décidait alors d'abandonner les charges retenues contre DSK. Et s'il était allé trop vite ?
Dix-neuf mois après le début de cette improbable feuilleton juridique, un journaliste américain signe un livre pour décrypter l'affaire. Dans Scandale DSK. Le procès qui aurait dû avoir lieu (éditions de L'Express), John Solomon revient sur l'instruction du procureur Cyrus Vance, le travail des avocats, le traitement de l'information par les médias. Solomon connaît bien l'affaire, il venait de prendre ses fonctions au sein du magazine Newsweek quand il décrocha l'interview exclusive de Nafissatou Diallo pour la presse écrite.
Nos confrères de L'Express publient dans leur nouveau numéro de longs extraits du livre. Ils ont aussi rencontré John Solomon qui explique pourquoi il a souhaité l'écrire : "J'ai franchement hésité à me replonger dans les détails sordides de cette histoire. Mais j'ai réalisé qu'elle dépassait les poncifs journalistiques du sexe, de l'argent et du pouvoir, et qu'elle en disait très long sur l'Amérique d'aujourd'hui et sur sa justice. Elle montre la collusion néfaste des médias et du système judiciaire et l'incapacité de la justice à mener sereinement des cas si sensationnels, à l'époque d'Internet et de l'information télévisée permanente." Au coeur de son livre, le procureur Cyrus Vance et son équipe occupent le plus grand rôle. L'auteur décrit le procureur comme un être "intègre" mais "débutant". Échaudé par la perte de plusieurs procès très médiatiques, il voit l'affaire DSK comme le moyen de redorer son blason : "Vance est si certain de tenir un coupable qu'il l'inculpe en trombe. Mais au premier écueil du processus, il réalise que son dossier n'est pas si bien ficelé et prend peur." On accable l'accusé avant de lâcher sa victime présumée... Pour l'auteur du livre, Nafissatou Diallo n'a jamais varié dans ses déclarations sur les circonstances de "l'agression" malgré de nombreuses auditions, et de nombreux témoins de l'hôtel Sofitel qui corroboraient ses dires auraient été "menacés" ou entendus dans des circonstances étonnantes.
Les poursuites au pénal abandonnées en août 2011, l'affaire DSK se poursuivait au civil jusqu'à la signature, le 10 décembre, de cet accord financier secret. Il met non seulement fin à l'affaire du Sofitel, mais dispense également DSK de s'expliquer davantage sur ce qu'il s'est réellement passé le 14 mai 2011 dans la suite 2806 du Sofitel de Manhattan. Dans son livre, John Solomon met en lumière une enquête précipitée qui aurait pu se terminer autrement. Toujours poursuivi pour "proxénétisme aggravé en bande organisée" dans l'affaire dite du Carlton de Lille - et toujours présumé innocent -, Dominique Strauss-Kahn attend une probable première audience de procès qui pourrait avoir lieu en 2014. L'intéressé reprend une vie normale. Il compte sur sa formidable réputation d'économiste pour redonner du souffle à sa carrière. Selon LeMatin.ch, il serait actuellement en vacances à l'île Maurice avec sa nouvelle compagne.
"Scandale DSK. Le procès qui aurait dû avoir lieu" de John Solomon (éditions de L'Express), 306 p., 20 euros. Des extraits dans "L'Express" en kiosques le 2 janvier 2013.