Il est l'heure d'écrire (encore un peu plus) l'Histoire, et, pour ce faire, la reine Elizabeth II s'est mise à son bureau : pimpante et zélée comme toujours, la monarque de 89 ans a été immortalisée dans une scène ordinaire de son quotidien, en train d'expédier les affaires courantes en son palais de Buckingham. Quand l'ordinaire et l'extraordinaire se conjuguent...
Jour historique pour la monarchie britannique, ce 9 septembre 2015 : à 17h30 heure locale (18h30 en France), Elizabeth II devenait officiellement, avec 23 226 jours, 16 heures et quelque 30 minutes la recordwoman en titre du règne le plus long, surpassant les 63 ans, 7 mois et 2 jours (1837 - 1901) de la reine-impératrice Victoria, sa trisaïeule. L'heure exacte ne peut être déterminée avec certitude, celle du décès de son père George VI, dans les premiers moments du 6 février 1952, n'étant pas documentée. Quelques heures plus tôt, afin de célébrer cet événement exceptionnel que la principale intéressée ne fêtera que très sobrement dans le cadre d'un dîner en famille dans sa retraite écossaise de Balmoral, un nouveau portrait officiel était dévoilé.
Réalisé en juillet par la photographe de renom Mary McCartney, fille aînée du Beatle Paul McCartney - anobli par Sa Majesté en 1997 - et de son ex-épouse la photographe Linda Eastman McCartney, la photographie promise à la postérité représente la souveraine toute à son devoir : assise au bureau (celui qu'on voyait dans la séquence d'ouverture des JO de Londres pastichant James Bond) décoré de photos de famille de sa salle d'audience privée à Buckingham Palace, devant, ouverte sur un guéridon, une de ces boîtes rouges officielles qu'elle reçoit chaque jour de son règne contenant des documents d'importance (communications de membres du gouvernement et de représentants dans tout le Commonwealth), elle tient son contenu à la main ; dans l'autre, ses petites lunettes qui ajoutent toujours à son air sagace. Parée de ses habituelles perles, vêtue d'une robe blanc et rose à motif floral du créateur Karl Ludwig, qu'elle portait en 2011 lors du final de sa tournée d'adieu en Australie, agrémentée d'une broche ornée d'un imposant saphir rose, Elizabeth II est comme prise sur le vif, en train de se redresser et de se tourner - vers une personne qui s'annonce ? La pétillance de son regard est immuable, son sourire simple éternellement charmant, 62 ans après son couronnement, à 27 ans, en l'abbaye de Westminster.
Le "parangon de la féminité", dit même d'elle l'auteure de l'image, Mary McCartney, qui a spontanément proposé ses services en vue de cette occasion historique. Proposition acceptée, pour sa plus grande fierté : "Ayant grandi sous le règne de la reine Elizabeth II, c'était une émotion intense de la rencontrer et un privilège exceptionnel de la prendre en photo. Elle est véritablement une personne qui vous inspire, une pionnière et un modèle pour la gent féminine", a souligné la photographe et auteure de livres de cuisine végétarienne de 46 ans.
Ce n'est toutefois pas la seule actualité photo en lien avec le record de longévité de la souveraine britannique : une exposition intitulée Long To Reign Over Us, hébergée par les palais de Buckingham, Windsor et Holyroodhouse (Edimbourg), propose au public une vision exhaustive de la matriarche adorée, au travers de portraits officiels, d'images de ses visites officielles et de scènes de la vie privée, en famille, de 1952 à nos jours.
Ma vie ne fait pas exception
Fidèle à l'image exemplaire qu'elle s'est toujours efforcée de donner, sobre et dévouée à sa mission, la reine Elizabeth II ne souhaitait pas - par humilité dans sa fonction, par égard pour la mort de la reine Victoria - de manifestation ostentatoire de triomphe en ce 9 septembre 2015, même si les cloches ont retenti dans tout le pays, qu'une parade fluviale impliquant la barge royale Gloriana a eu lieu sur la Tamise et que la Chambre des Commons a repoussé sa séance d'une demi-heure pour rendre hommage à l'héroïne nationale. Sans parler de la statue de cire en tenue de jubilé de diamant que le Musée Madame Tussauds de Londres a installée.
Au contraire, c'était business as usual ! Avec son mari le duc d'Edimbourg, elle prenait le train à vapeur d'Edimbourg à Tweedbank pour inaugurer une nouvelle voie ferrée, Borders Railway, un chantier à près de 300 millions de livres qui ressuscite la Waverley Route abandonnée à la fin des années 1960. Superbe en manteau turquoise et parée de la broche en diamants de sa trisaïeule, elle n'a pas manqué de réagir en quelques mots à l'effervescence particulière entourant sa visite : "Beaucoup ont noté une autre signification à cette journée, bien que ce ne soit pas une (signification) à laquelle j'ai aspiré. Inévitablement, une longue vie passe par de nombreuses étapes ; la mienne n'y fait pas exception, mais je vous remercie tous ici et à l'étranger pour vos messages touchants."
Elle a ensuite regagné Balmoral. C'est ce qu'avait fait en son temps Victoria en franchissant le record de longévité de son grand-père George III.
G.J.