Si la personnalité d'Eric Zemmour divise autant qu'elle fascine, qu'en est-il du jeune étudiant qui a fait ses armes à Sciences-Po ? Le Journal du dimanche a recueilli les témoignages de ceux qui l'ont côtoyé durant sa jeunesse sur les bancs de la célèbre école. On était alors bien loin du polémiste réactionnaire et du candidat d'extrême-droite à l'élection présidentielle, âgé de 63 ans.
"Passe-muraille", "très introverti", "éteint et complexé" a dit un haut fonctionnaire qui l'a connu à Sciences-Po dans la promotion "Service Public" en 1979 et qui souhaite garder l'anonymat. "Avec ses pulls et cols de chemises pelle à tarte, il était mal fagoté et détonnait dans notre univers hyper bourgeois, au milieu des uniformes pantalon de flanelle-blazers-loden", ajoute-t-il à propos de l'arrivée du jeune étudiant issu de banlieue (Montreuil et Drancy) et d'un milieu modeste. Ses professeurs ne se souviennent pas de lui, Henri Guaino, ancienne plume de Nicolas Sarkozy, ne l'a jamais croisé, tandis que l'ex-banquier Patrick Careil, alors enseignant d'économie, nie lui avoir conseillé de faire l'ENA contrairement aux dires de l'intéressé. De son côté, François Hollande dément avoir été son maître de conférences, en dépit d'une rumeur tenace. "A moins qu'il n'ait jamais remarqué cet étudiant discret", précise le JDD.
Il y a Pierre Bédier, président du conseil départemental des Yvelines, un ancien ami qui "ne souhaite pas s'exprimer". Ou Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes - où aurait dû travailler Sarah Knafo, jeune conseillère d'Eric Zemmour actuellement en pause pour mener la campagne du candidat de Reconquête! - qui évoque "un étudiant gentil, timide et fin" dans l'ouvrage d'Etienne Girard, Le Radicalisé.
Son ancien camarade d'école Alain Chichportich ne se souvient pas de son envie de faire Sciences-Po : "Nous étions plutôt conditionnés par nos parents pour faire médecine ou droit." Dans l'établissement prestigieux, il se fait quelques amis mais ne s'intègre pas dans les associations de l'école, préférant continuer de fréquenter le club de foot de son lycée et jouer au flipper avec son "double" cousin Yves Lévy (un de ses oncles paternels a épousé une soeur de sa mère). "Notre préoccupation majeure, c'était les filles, mais la concurrence était forte", raconte un administrateur civil toujours ami du polémiste mais anonyme à cause de ses liens avec l'Etat. Il ajoute : "Il n'était pas timide, mais ne se mettait pas en avant. C'était un garçon espiègle, plein d'énergie, exceptionnellement doué, difficile à prendre en défaut sur sa formidable culture historique doté d'une qualité rare d'analyse et d'argumentation, et également de plume."
Loin de l'activiste politique d'aujourd'hui, l'Eric Zemmour des années 1980 était, selon Gérard Wolf, fédérateur "ville durable" auprès du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, "ouvert, curieux de tout. Un type absolument charmant, avec un belle intelligence et un solide humour potache". Il sera le témoin de son mariage avec Mylène Chichportich, celle qui deviendra ensuite la mère de ses trois enfants et sa collaboratrice pour la création de sa maison d'éditions Rubempré. "J'ai été étonné qu'il me demande, je pensais qu'il devait avoir d'autres amis plus proches", dira-t-il. Aujourd'hui, ses proches sont des personnalités politico-médiatiques : Eric Naulleau ou Philippe de Villiers, avec qui il vient de faire un déplacement en Arménie. Eric Zemmour a enterré le jeune étudiant.