Revenue en France pour répondre à l'appel de la Cinémathèque française qui consacre une exposition au cinéaste disparu il y a déjà trente ans, Laura Truffaut s'est confiée dans les colonnes du JDD (30 novembre). La fille du réalisateur de la Nouvelle Vague, aujourd'hui âgée de 55 ans, est une Française émigrée aux États-Unis, où elle exerce le métier de professeur à San Francisco. Un brin nostalgique, elle raconte ce père amoureux de cinéma, ses secrets, ses souvenirs d'un quotidien passé auprès de celui qui a marqué à jamais le septième art français.
Fille aînée du réalisateur et fruit de son mariage célébré en octobre 1957 avec Madeleine, elle-même fille d'Ignace Morgenstern (le propriétaire de la société de distribution cinématographique Cocinor3), Laura Truffaut a une soeur, Éva, née le 28 juin 1961. "Mes parents se sont séparés quand j'avais 5 ans. Nous sommes restées dans l'appartement où avait été tourné La Peau douce", raconte celle qui a ensuite fréquenté le prestigieux lycée Louis-le-Grand, puis la Sorbonne et enfin Berkeley, de l'autre côté de l'Atlantique, où elle part pour plancher sur un doctorat en littérature comparée. "Je ne pensais pas y rester", avoue-t-elle. En Californie, loin de la France, elle devient professeur de français et la maman de trois filles.
C'est à la mort de son éminent paternel que Laura Truffaut opère un véritable retour vers son propre passé. "À sa mort, en découvrant l'étendue de ses écrits, j'ai pris conscience de la grande disponibilité dont il faisait preuve à notre égard, confie-t-elle au Journal du dimanche. À ses côtés, vous aviez toujours son attention." Elle évoque un père protecteur, envers sa famille, mais également envers lui-même. "Il n'avait pas énormément d'amis, pas de grande vie sociale ni de hobbys. (...) Son temps lui était précieux. Il le consacrait à ce qu'il aimait. C'était ses filles, lire, énormément, regarder aussi un navet à la télé", se souvient Laura.
Très liée à son père dont elle s'est pourtant éloignée après ses études américaines – Truffaut a toutefois eu des expériences aux États-Unis où il est toujours très apprécié –, Laura affirme que la frontière entre le père et l'artiste était floue. "Il incorporait souvent des blagues qu'on ramenait, ma soeur et moi, de l'école. Il s'inspirait aussi de noms d'élèves. Le va-et-vient avec la vie était constant", rappelle-t-elle. Adolescente, elle suit son père sur les tournages, apprend beaucoup de cet homme discret, perfectionniste mais aussi séducteur. "Dès que les tournages se déroulaient pendant les vacances scolaires, j'essayais de m'incruster", confie celle qui optera pourtant en définitive pour une vie très éloignée du cinéma.
Trente après la mort de son père, Laura Truffaut s'avoue fière de l'héritage culturel qu'il a laissé. "Il fait partie des rares cinéastes étrangers connus aux États-Unis, assure-t-elle. Truffaut, ici, c'est associé à un nom typiquement français."