C'est un père meurtri qui s'exprime. Moins de dix jours après l'assassinat de son fils Adrien (30 ans), par deux hommes à moto en pleine rue à Marseille, José Anigo est évidemment toujours bouleversé par ce drame qui lui a pris son enfant. Et à quelques jours de reprendre ses fonctions, le directeur sportif à l'OM, blessé mais très digne, parle pour la première fois longuement, et c'est dans les colonnes de L'Équipe qu'il a choisi de le faire.
Si la vie de José Anigo a basculé en ce sombre jeudi 5 septembre, le directeur sportif est déterminé à surmonter cette douloureuse épreuve. "Adrien est parti en paix. Je l'ai vu sur son visage. Il sera toujours avec nous. À chaque fête, il y aura sa chaise et son couvert. Je vais me reconstruire par le foot, dans ce qui est ma passion, ma vie. Mon salut passera par là", assure-t-il avec beaucoup de courage. L'icône de l'OM – qui raconte avoir dormi aux côtés du corps de son fils, récupéré le lendemain de sa mort, jusqu'à son enterrement pour ne pas le laisser "seul une seconde" – peut heureusement compter dans sa peine sur l'aide de ses proches. "Tous les soirs, il y avait cent à deux cents personnes à la maison. Ce soutien nous a fait beaucoup de bien. J'ai une famille, des enfants et des amis exceptionnels", positive-t-il avant de reprendre ses activités à l'OM. "C'est en travaillant aussi que je pourrai aider au mieux ma famille, ma belle-fille et mes deux petits-enfants. Je veux qu'eux et mes enfants aient une belle vie, un bel avenir, même si rien ne sera plus pareil."
Avec beaucoup d'émotion, José Anigo revient sur cet après-midi tragique qui lui a pris son fils et l'instant où il a appris la nouvelle. "Je venais de quitter le bureau et j'étais rentré à la maison. Il était 16h environ. Sa femme m'a appelé. Elle criait. Je n'arrivais pas à la calmer. Elle m'a dit : 'Il s'est forcément passé quelque chose. Adrien n'est pas allé chercher les petits à l'école.' Adrien était un papa magnifique, un gentil mari. Jamais, il n'aurait pu oublier ses enfants. Et puis, on avait entendu qu'il y avait eu un meurtre. J'étais assis dans mon fauteuil. J'ai dit à ma femme : 'Mon fils est mort'. La police m'a appelé. Je me suis rendu sur les lieux. Voilà", raconte-t-il, presque fataliste.
Car Adrien Anigo, même s'il s'était semble-t-il rangé, avait un lourd passé judiciaire. Membre supposé d'une bande de braqueurs de bijouteries, ce père de deux enfants est incarcéré en 2007 puis libéré en 2010 grâce à une erreur de procédure. L'affaire devait être jugée aux Assises en mars prochain. "Ses soucis, je ne les ai jamais niés et j'ai fait le maximum pour le tirer de la rue, qui l'avait aspiré", indique celui qui pâtit également d'une mauvaise réputation, notamment à cause de son amitié avec Richard Deruda, fiché au grand banditisme, et sa mise sur écoute en 2011 dans le cadre d'une enquête sur les liens entre l'OM et le milieu marseillais.
Des amalgames qui indignent José Anigo. "Je veux que ça s'arrête, ça me rend fou. J'en ai vraiment assez. Mon fils aimait le foot, il venait voir les matches mais il était à des kilomètres et des kilomètres de l'OM", assure-t-il. D'un air grave, le directeur sportif révèle même vouloir porter plainte, après celle pour assassinat qu'il vient de déposer, contre Les Guignols de l'info, à cause de plusieurs sketchs dont l'un montrait Bernard Tapie (ex-président du club) proche d'un membre du grand banditisme. "Je vais aussi déposer plainte contre Canal+ et les Guignols. On ne peut pas rire de tout et on ne plaisante pas avec la mort", déplore l'ancien coach de Marseille.
Alors que la violence de cesse de grimper à Marseille, la mort d'Adrien étant le 15e règlement de comptes dans la cité phocéenne depuis le début de l'année, José Anigo lance un véritable appel au calme et se dit prêt à aller dans des cités pour y "mener des actions". "Il y a beaucoup trop de morts dans cette ville. (...) Il faut que ça s'arrête. (...) J'aimerais que la mort de mon fils serve au moins à ça", lance-t-il. Mais désormais, c'est sa vie de famille qu'il va devoir d'abord reconstruire, notamment avec les enfants d'Adrien. "Hier, j'ai amené son fils au foot. Il joue à l'OM. J'ai beaucoup de mal à le regarder. Il ressemble tellement à son père. Je vais essayer d'être meilleur avec lui. Avec mon fils, j'ai dû manquer une étape. Je m'en veux", confie avec émotion José Anigo.