Elle doit sa vocation de comédienne à sa rencontre avec Gérard Depardieu, mais difficile de croire que Mélanie Laurent soit arrivée là où elle en est à 28 ans uniquement grâce au hasard. Césarisée pour Je vais bien, ne t'en fais pas, "hollywoodisée" par Inglourious Basterds et Quentin Tarantino, l'actrice prend le droit de faire ce que certains mettent des années à entreprendre : jouer, chanter, réaliser, voire les trois en même temps. Quelque part, elle trouve même le temps d'être maîtresse de cérémonie du Festival de Cannes et égérie sexy de Dior.
Une telle boulimie de travail attire forcément la jalousie ou l'agacement, et Mélanie Laurent ne se prive pas de répondre. Mais dans Madame Figaro, elle parle paisiblement des Adoptés, son premier film dont elle rêvait depuis des années : "Tout ce que j'écrivais me semblait trop autobiographique et trop impudique. Un sujet s'est soudain imposé. J'avais envie d'un film de femme, sur une mère ou deux soeurs ou bien sur l'amitié." Mi-cuit coeur pistache, sa première mise en scène au théâtre avortée lorsqu'elle est choisie par Quentin Tarantino, faisait justement partie de ces projets trop intimes. Le hasard fait bien les choses puisque c'est là qu'elle rencontre Marie Denarnaud, au centre des Adoptés.
Elle hésite longtemps avant de jouer dans son premier film, et les premiers jours de tournage sont effrayants : "Je me suis sentie petite à tous les niveaux : très jeune, très peu haute de taille, très limitée. J'avais listé en amont les meilleurs techniciens rencontrés sur les tournages depuis douze ans. Je n'ai pas du tout fait ce film toute seule. J'ai sûrement un grand ego, mais sur un plateau je n'en ai pas du tout." Elle précise aussi que sa célébrité n'a pas vraiment aidé à monter son projet, et qu'elle a enfin pris ses premières vacances depuis sept ans : "Mes amis m'ont dit récemment avec le plus grand sérieux 'Si tu ne pars pas en vacances cette année, on ne te parle plus.'"
A peine revenue de ses vacances avec celui qu'elle décrit comme l'homme de sa vie, l'actrice reprend immédiatement le chemin des plateaux. D'abord Now you see me, réalisé par le Français Louis Leterrier, et Night train to Lisbon avec Vanessa Redgrave et Jeremy Irons : "C'est reparti, je suis excitée parce que cela fait un an que je n'ai pas travaillé avec d'autres metteurs en scène... que moi !"
Sortie du lit avec une petite voix, Mélanie Laurent répondait ce matin aux questions de Nikos sur Europe 1. C'est d'ailleurs là qu'elle parle le mieux de son film, "sur les parcours initiatiques de gens qui n'ont jamais réussi à faire ce qu'ils voulaient. Mon personnage est au milieu des violons alors qu'elle aime la guitare, un autre est critique gastronomique alors qu'il veut être cuisinier."
Après les succès de La guerre est déclarée et Polisse, Les Adoptés clôt le trio de ces jeunes actrices talentueuses. Contrairement à Valérie Donzelli et Maïwenn, c'est une première pour Mélanie Laurent, forcément attendue au tournant : "J'ai croisé Valérie, et j'ai travaillé avec Maïwenn dans Le bal des actrices. J'ai été coupée du montage, mais je n'avais qu'une vignette." Difficile de ne pas repenser à la réalisatrice de Polisse qui racontait sa rivalité avec Mélanie Laurent à Cannes.
Dans tous les cas, la tentation de terminer avec une évidence est trop forte : la vie sourit à la jeune actrice, qui rougit lorsqu'elle prononce le mot "carrière" et dévoile sa timide fierté à l'idée de rejoindre les stars hollywoodiennes en janvier prochain. Un tournage qui marquera son retour devant la caméra d'un autre après Beginners avec Ewan McGregor, et qui lui donnera l'occasion de croiser Quentin Tarantino pour lui offrir une copie des Adoptés : "Je vais lui apporter parce que je tourne à la Nouvelle-Orléans et c'est là qu'il tourne son nouveau film." Pendant que le réalisateur culte s'attaque à l'esclavage avec Leonardo DiCaprio dans Django Unchained, Mélanie Laurent jouera aux magiciennes avec Morgan Freeman et Mark Ruffalo. Tout un programme.
Propos tirés de l'interview de Mélanie Laurent en kiosques le 19 novembre, avec l'aimable autorisation de Madame Figaro.