À la veille du 60e anniversaire du prince Albert II de Monaco, le quotidien Le Figaro publiait ce 13 février 2018 une interview du souverain monégasque menée par Stéphane Bern. En totale confiance avec l'expert ès gotha, qui se trouve être un ami intime, celui-ci s'y livre avec sincérité sur "son bonheur intime, son règne et l'avenir du Rocher".
À part mes enfants ?
Serein à l'idée de franchir ce cap symbolique, après "une enfance extraordinaire", une adolescence avec "des hauts et des bas, quelques errements – mais bon, rien de très grave –" et le décès de ses parents – "à n'importe quel âge, c'est une page qui se tourne" –, le prince Albert a toutefois encore un peu de mal à en prendre la pleine mesure : "Ça fait drôle parce qu'on ne se sent pas vieillir. (...) Dans ma tête, je me situe entre 15 et 45 ans", avoue-t-il en riant. Et de livrer les secrets de cette jeunesse intérieure : "Je suis perpétuellement dans l'action et le mouvement, je crois que ça aide à rester jeune, non ? D'autant qu'être papa de jeunes enfants, ça aide également à rester en forme !"
Cette vie de famille, bonheur venu tardivement pour le chef d'État devenu père à 56 ans, arrive naturellement au premier plan à l'heure de dresser le bilan : "J'ai une femme merveilleuse, et nous avons le bonheur d'avoir des enfants qui sont une joie de tous les jours. Des jumeaux, c'est quand même très particulier dans le bon sens du terme. Ils sont à un âge incroyablement intéressant", fait-il remarquer. Le prince héréditaire Jacques et la princesse Gabriella, jumeaux auxquels la princesse Charlene a donné la vie le 10 décembre 2014, lui viennent d'ailleurs instantanément à l'esprit lorsque Stéphane Bern lui demande ses "plus grandes satisfactions en douze ans de règne" : "À part mes enfants, voulez-vous dire ?", réplique-t-il, à nouveau dans un rire.
Plus sérieusement, il met en exergue certains des grands dossiers – l'environnement, la fiscalité monégasque – qu'il avait déjà passés en revue en début d'année en direct sur le plateau de Public Sénat : "L'une des plus grandes satisfactions, considère-t-il, est d'avoir pu avec le gouvernement faire sortir Monaco de la liste des pays non coopératifs en manière d'échanges, d'informations sur la fiscalité. Une autre belle étape est d'avoir été intimement lié à l'accord de Paris sur le climat et d'avoir pu mettre sur pied ma fondation il y a dix ans. Et puis, cela a été fondamental pour la Principauté, la ratification du renouvellement du traité avec la France, ce traité d'amitié sur tous les sujets qui concernent l'organisation administrative de la Principauté."
À une époque où tout le monde est pressé...
Comme souvent lors de ses prises de parole, le souverain aime à souligner le lien particulièrement fort qui existe avec les Monégasques : "Ceux qui n'ont jamais assisté à des événements festifs à Monaco, note-t-il, ne peuvent pas comprendre cette proximité, cette relation particulière qui s'est tissée au fil du temps, depuis sept siècles entre les Monégasques et les Grimaldi. Nous formons une petite communauté. Cela me porte et m'encourage, croyez-moi, autant que cela implique une lourde responsabilité." Celle, avant tout, d'oeuvrer "pour améliorer au quotidien le bien-être des Monégasques", fait-il valoir ; celle, aussi, de porter "une vision d'ensemble de l'avenir" et de guider son pays face aux "nouveaux défis" du monde moderne, notamment technologiques. Mais aussi le défi démographique du Rocher : "Le principal défi pour Monaco est l'augmentation sensible de sa population. Il faut le relever en veillant à ce que tous les Monégasques puissent se loger en Principauté et ça, c'est un véritable défi compte tenu de l'exiguïté de notre territoire", souligne le prince, qui a porté avec force le programme d'extension de Monaco sur la mer. Et face à ces enjeux, le presque néo-sexagénaire fait étalage d'une sagesse en phase avec cet âge de grande raison : "Je n'ai pas la science infuse sur tout, estime-t-il avec humilité, donc il faut se faire aider et conseiller. À une époque où tout le monde est pressé, dans un monde d'immédiateté, il faut aussi pouvoir prendre du recul." Pour mieux continuer à avancer.