Son job qui fait de lui un tueur de talibans, la jalousie de son frère William, la grossesse de sa belle-soeur Kate Middleton, son écart de conduite à Las Vegas en août 2012 : dans une interview aussi exhaustive qu'inespérée réalisée avant de quitter Camp Bastion, la base britannique en Afghanistan où il était déployé depuis septembre dernier, le prince Harry n'élude aucun des sujets brûlants le concernant. Sans langue de bois, dans un style rugueux et intransigeant, du même bois dont est fait le bonhomme de 28 ans.
Mardi 22 janvier 2013, les services de la Défense et de l'Armée de l'air britannique ont rendu publics une centaine de photos issues des quelque 20 semaines de mission du "Captain Wales" dans la province du Helmand, ainsi que plusieurs entretiens en vidéo. A l'heure où ces éléments inédits étaient diffusés, offrant une immersion inattendue dans la vie du prince Harry dans la province du Helmand, l'intéressé avait déjà quitté les lieux avec son paquetage : c'est à la base militaire britannique de Chypre que le fils cadet du prince Charles, copilote-artilleur sur hélicoptère Apache au sein de l'escadron 662 du 3e régiment de l'Army Air Corps, se repose et se détend avant de regagner au Royaume-Uni, où l'attend son "autre job", celui de cadre de la famille royale, 3e dans l'ordre de succession au trône. Il sera également occupé par son emménagement prochain, au printemps, dans le Nottingham Cottage du palais de Kensington, qui sera laissé vacant par le duc et la duchesse de Cambridge lorsqu'ils prendront possession de l'appartement 1A et ses 21 pièces en cours de rénovation.
Prêt à revenir dans la lumière médiatique, après pas loin de cinq mois de silence radio, Harry a bien préparé le terrain, avec ces quelques confidences inespérées, parmi lesquelles ses premiers commentaires sur le scandale de sa virée délurée à Las Vegas l'été dernier, où une certaine partie de strip-billard dans une suite du palace Wynn n'était pas restée secrète, juste avant de partir au combat. Des concessions, des aveux, mais pas de repentance, et même un peu de rancoeur : "J'étais plus en mode armée et moins en mode prince. (...) Au final, je me suis sans doute déçu moi-même à Las Vegas, j'ai déçu ma famille, j'ai déçu d'autres gens. (...) Mais la manière dont j'ai été traité par les médias, je ne crois pas que ce soit acceptable", dit en substance "Dirty" Harry, qui accuse la presse d'alimenter sciemment son image de bad boy depuis qu'il est "tout petit".
La grossesse de Kate : heureux, mais soucieux...
Dans un registre plus consensuel, il évoque aussi le sujet phare de 2013 pour la couronne d'Angleterre : la naissance du premier enfant du duc et de la duchesse de Cambridge. "Évidemment, je suis ravi pour eux deux", se réjouit-il, plaisantant malicieusement : "Il était temps !" Contrairement à ce que certains médias anglo-saxons ont pu avancer, le prince Harry n'a pas eu l'occasion de communiquer, ni par téléphone, ni par SMS, ni par courrier, avec le prince William et la duchesse Catherine au moment où la grossesse a été rendue publique, début décembre. Mais depuis, oui. Quant aux conditions dans lesquelles l'heureux événement a été porté à l'attention du public - l'hospitalisation forcée de Kate -, Harry, qui avait été interrogé à ce sujet dix jours plus tard mais dont les remarques ont été gardées secrètes jusqu'à maintenant, se montre tout aussi défiant vis-à-vis des médias que dans son cas personnel : "Je trouve ça vraiment injuste qu'ils aient été forcés de rendre la chose publique à ce moment-là, mais les médias sont comme ça." Et d'ajouter : "Je suis vraiment très, très heureux pour eux, mais j'espère simplement qu'ils - et tout particulièrement Catherine - bénéficieront de la protection nécessaire pour qu'elle puisse profiter, en tant que future maman, de l'intimité qui convient. J'espère très sérieusement que ce pourra être le cas."
La copine du Captain Wales, c'est... l'armée
Récemment désigné par le mensuel institutionnel américain Town & Country comme le célibataire le plus en vue, le prince Harry, qui a un parcours sentimental accidenté, refuse de parler de la rumeur d'une relation née avant son détachement avec une certaine Cressida Bonas et se déclare "célibataire à 100%", préférant se concentrer sur ce qui lui importe le plus : son job de soldat. "J'aimerai toujours mon job, tant que je pourrai le faire, et ensuite j'aurai l'autre job [sa carrière royale, NDLR] comme solution de repli", assène-t-il. Un proche confirme : "Franchement, il préfère être le Captain Wales que le frère du futur roi. (...) Il aime l'armée et sa camaraderie, car il peut être lui-même sans avoir à faire en permanence attention à ses moindres faits et gestes." "Je ne suis que l'un des gars, je ne reçois pas de traitement de faveur", avait déjà déclaré l'intéressé, qui réaffirme dans cette interview combien il lui est "facile d'oublier qui il est à l'armée".
"Oui, j'ai tué"
Après un premier déploiement en 2008 interrompu prématurément du fait de la révélation dans les médias de sa présence au front, il a cette fois pu mener sa mission à bien. Ce qui passe par... tuer des talibans, un sujet qui a beaucoup fasciné la presse durant ces dernières semaines. "Tout le monde fait feu, dans une certaine mesure", confie-t-il face à la caméra en révélant qu'il est responsable de la mort "d'un ou plusieurs insurgés", mais posant que les forces armées doivent "parfois prendre une vie pour en sauver une".
Et tandis qu'on découvre les images de son quotidien dans le Helmand, posté derrière une carabine SA80 modifiée dans le cockpit d'un Apache, casque à monocle sur la tête, lors de ses gardes de douze heures ou lors de ses moments de détente entre camarades devant la console de jeu vidéo, il raconte : "Oui, j'ai tué, comme la plupart. L'escadron a été déployé ici. Tout le monde a fait feu, dans une certaine mesure. Prendre une vie pour sauver une vie, on gravite autour de ça. Si des gens essayent de s'en prendre à nos hommes, on les met hors d'état de nuire. Je ne suis pas ici gratuitement... Notre job, c'est de s'assurer que les gars au sol sont en sécurité et si cela implique de tirer sur quelqu'un qui tire sur eux, on le fait." Un discours conforté par un supérieur : "Harry vole sur un hélicoptère d'assaut et c'est un des jobs que font les gars : attaquer. Ce serait inconcevable pour un artilleur d'être déployé sur le terrain et de ne pas engager le combat avec l'ennemi. Évidemment qu'il a tué."
Mais les départs en mission (dont, notamment, pas mal d'escortes de Chinooks, des hélicoptères de transport, lors de raids d'évacuation) et les combats aériens n'étaient pas la seule composante d'un quotidien également composé d'une grande part d'ennui, lors des moments d'attente : c'est là que DVD et jeux vidéo (il est imbattable à Fifa) prenaient toute leur importance, là aussi que les effectifs décompressent, comme Harry a pu le faire en se parant de nattes blondes et d'un bonnet de Père Noël pour préparer un repas de Noël sympathique.
William jaloux
Contre toute attente, lors de ces entretiens, le prince Harry révèle encore que son frère William jalouse son déploiement. William, qui devrait faire connaître fin janvier sa décision concernant son avenir et un éventuel choix entre carrière militaire (pilote d'hélicoptère Sea King de secours à la base RAF Valley d'Anglesey) et carrière militaire de futur roi, aurait en privé fait part de sa grande frustration. Lui qui a accumulé nombre d'heures de service en retard en 2012, à se partager entre les deux jobs, envie le prince Harry et sa présence au front dans le feu de l'action. Inenvisageable le concernant, car si Harry a dû longtemps faire pression sur son père pour gagner le droit de retourner au combat, William, en tant que futur monarque, n'obtiendra jamais une telle autorisation. "Trop dangereux."
Harry, fidèle à son côté rebelle, ne comprend d'ailleurs pas le poids de la convention qui interdit à son frère d'être déployé et de servir ainsi son pays : "Oui, on se fait tirer dessus. Mais si les gars qui font le même boulot que nous au sol se font tirer dessus, je ne vois pas ce qui ne va pas dans le fait que nous nous fassions tirer dessus aussi. Chez nous, cela pose un problème aux gens, mais nous ne sommes pas spéciaux. Les gars qui sont là, au front, le sont ; c'est aussi simple que cela." Au sujet de William, il tempère toutefois : "Avant de venir ici, j'étais jaloux de lui. Ce qu'il fait, c'est du vol opérationnel à la maison. Vous avez tous les avantages du vol opérationnel - la gloire, comme vous dites - et la récompense de sauver concrètement des vies, puisque c'est précisément ce que nous faisons. Son boulot est vraiment cool, et il fait du bon travail. Et une fois de retour à la maison, il retrouve son chez lui, sa femme, son chien, pas nous. Nous sommes scotchés à la PlayStation dans une tente pleine d'hommes."