Voilà trente ans, déjà, que Serge Gainsbourg a rejoint le fumeur de havanes. De son passage sur Terre, beaucoup retiennent des chansons, bien sûr, mais aussi un personnage, une histoire, une attitude, un héritage. Sa voix grave avait séduit tout aussi bien les auditeurs que les femmes, qui furent nombreuses à défiler dans sa vie. Bien sûr, les années 1970 ont été marquées par le duo extraordinaire qu'il formait avec Jane Birkin. Binôme passion, amour-haine, des mélodies berçant leurs sentiments, un enfant naissant de leur histoire.
"Nous baignions dans la mélancolie, se souvient leur fille, Charlotte Gainsbourg, dans une longue interview hommage accordée à Télérama. Il y avait un côté sombre dans ce qu'il me transmettait, même si je n'en garde pas un souvenir triste. Il avait le goût du drame. De la passion. Ses relations étaient loin d'être apaisées. Plutôt corsées. Avec ma mère, ils se mettaient pas mal sur la gueule, j'en garde des souvenirs cuisants, et elle n'était pas en reste. Même après leur séparation, quand il venait nous voir chez elle, les assiettes volaient. Ils buvaient beaucoup. L'alcool ne le rendait pas violent, plutôt doux au contraire. Un peu larmoyant."
J'ai écrasé ma cigarette sur lui aussi, allumée
La violence de cette relation n'est pas bien secrète. Dans les différents tomes de son autobiographie, de Munkey Diaries à Post-Scriptum, Jane Birkin évoquait déjà sa romance très tumultueuse avec Serge Gainsbourg. Les coups de sang, les coups de gueule, les coups tout court. "Moi j'ai écrasé ma cigarette sur lui aussi, allumée, donc, j'en ai fait autant", expliquait-elle à Léa Salamé sur France Inter. Mais la foudre frappait sans doute trop fort. En septembre 1980, la chanteuse a préféré s'éloigner de son partenaire, de ce rythme de vie insoutenable qu'ils menaient ensemble, qui la rendait folle, quitte à parfois risquer sa vie.
Quand j'ai acheté la maison après sa mort, je voulais respecter ses volontés
Un lieu reste imprégné des souvenirs de cette idylle. C'est l'appartement du 5 bis rue de Verneuil, dans le 7e arrondissement, dans lequel Serge Gainsbourg a vécu, puis poussé son dernier souffle, le 2 mars 1991. Sa fille, Charlotte, concrétise d'ailleurs un projet gargantuesque : celui de transformer l'habitation en lieu de culte, de recueillement. "Quand j'ai acheté la maison après sa mort, je voulais respecter ses volontés. J'avais lu qu'il avait envie qu'elle devienne un musée, raconte-t-elle à Télérama. Aujourd'hui, le désir se matérialise. Nous avions prévu d'ouvrir la maison pour le trentième anniversaire de sa mort, le Covid nous a fait prendre du retard, mais nous serons prêts avant la fin de l'année. J'ai choisi de ne toucher à rien, avec peu de visiteurs et une annexe pour prendre les billets, afin de ne pas toucher à la façade, couverte de messages et de graffitis depuis toujours. Il y aura des choses à voir et à entendre..."