L'optimisme de la reine Elizabeth II, au troisième jour de ce qui pourrait bien être son ultime visite officielle en Australie - 57 ans après avoir été la première monarque britannique en exercice à s'y rendre -, n'a pas semblé le moins du monde entamé par le semblant de polémique qui s'est déclaré dès son arrivée à Canberra, mercredi 19 octobre 2011.
Si la ferveur populaire a été sidérante, à la hauteur de l'événement en plus d'être évocatrice de souvenirs saisissants du siècle dernier, la maladresse - au mieux - ou l'insubordination - au pire - du Premier ministre australien Julia Gillard a failli émailler cette venue qui s'annonçait sous les meilleurs auspices. Chef de file du parti travailliste et surtout de la poussée républicaine dans le pays, Julia Gillard avait fait souffer un coup de blizzard sur le tarmac de l'aéroport militaire de Canberra mercredi, lorsque, accueillant la reine et son époux le duc d'Edimbourg à leur descente d'avion, elle s'abstint de donner de la révérence à sa souveraine ! Une poignée de main, une inclination de la tête, la Galloise d'origine est toujours aussi réfractaire à la Couronne, comme elle l'a déjà suffisamment manifesté dans un passé récent.
Cette omission volontaire a évidemment été remarquée, et madame le Premier ministre a été obligée de se justifier : "Le conseil que l'on m'a donné était très clair : faites ce qui vous met le plus à l'aise. Et c'est ce que j'ai décidé de faire (...) Certaines choses sont conformes à ce que vous êtes, d'autres pas." C'est signé.
Du coup, on attendait bien entendu de voir comment se déroulerait la rencontre formelle des deux femmes, ce vendredi 21 octobre, au siège du gouvernement de Canberra. Et, sans surprise, la républicaine dans l'âme s'est contentée, à Parliament House, de s'incliner légèrement et de serrer la main de la reine Elizabeth II, chef de l'Etat australien, car toujours membre du Commonwealth. Et elle n'a chanté que l'hymne australien, mais pas l'hymne britannique, en inauguration de la cérémonie en l'honneur de la reine, qui précédait leur entretien privé de 45 minutes. Si la tendance républicaine a gagné du terrain sur la dernière décade, depuis le rejet à 55% du référendum de 1999 proposant l'instauration de la République, s'établissant aujourd'hui autour de 60% d'opinion favorable à l'abandon de la monarchie constitutionnelle, elle a connu une petite atténuation avec le mariage de Kate et William, futur monarque, qui a donné un coup de fouet et revivifié la monarchie, vieillissante et éloignée des préoccupations des Aussies. A l'occasion de cette seizième visite de la reine, depuis la première, ovationnée, en 1954, les penchants républicains restent toutefois en retrait, comme fascinés par la monarque de 85 ans en tout point vénérable.
Et force est de constater que la fraîcheur de la royale octogénaire, qui enchaîne avec bonheur les tenues pimpantes et colorées, est un régal à voir. En parfaite forme, souriante et vive, la reine Elizabeth II est même partie d'un rire franc et d'une vive surprise lorsqu'elle s'est retrouvée face à la jeune basketteuse Elizabeth Cambage, 20 ans et... 2m03 ! "Oh, je parie que vous êtes basketteuse", a réagi la reine, rencontrant la géante demoiselle dans le foyer du Parlement, laquelle a malicieusement rétorqué "Qu'est-ce qui vous a mis sur la voie ?". Une géante qui, elle, aussi jeune et grande soit-elle, a fait une profonde révérence. Avec son 1m64, la souveraine n'est habituellement pas aussi dérisoire, mais là...