En 1971, elles étaient "343 salopes" à signer dans le Nouvel Observateur un manifeste écrit par Simone de Beauvoir pour le droit à l'avortement, le droit à disposer de leur corps. Un manifeste courageux : "Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté." Quarante ans plus tard, le magazine Causeur s'apprête à publier, la semaine prochaine, le manifeste des "343 salauds", initié par Frédéric Beigbeder, signé par Nicolas Bedos, contre la pénalisation du client des prostitués. Intitulé avec beaucoup de délicatesse Touche pas à ma pute !, ce manifeste réclame de pouvoir continuer à profiter du corps d'autrui, résume L'Express.fr. Émoi et scandale.
Le 14 octobre, la députée socialiste Maud Olivier déposait une proposition de loi visant à abroger le délit de racolage public tout en pénalisant les clients. Un délit qui serait sanctionné par une amende de 1 500 euros. Le romancier et directeur de la rédaction de Lui, Frédéric Beigbeder, glisse l'idée d'un manifeste des "343 salauds" à la directrice éditoriale du magazine Causeur, Elizabeth Lévy. Sur Libération.fr, elle assume la référence au Manifeste des 343 salopes, qui répond "à l'envie d'emmerder les féministes d'aujourd'hui, les brigades des plumeaux". Ambiance...
Brigade du plumeau
Dans ce texte, signé par des personnalités aussi différentes qu'Eric Zemmour, Philippe Caubère (qui n'a jamais caché avoir eu recours à la prostitution), Basile de Koch (époux de Frigide Barjot, bientôt SDF !), Nicolas Bedos, Ivan Rioufol et Richard Malka, avocat de DSK, les 343 salauds se décrivent "homos ou hétéros, libertins ou monogames, fidèles ou volages". "Des hommes", insistent-il, pas "les frustrés, pervers ou psychopathes décrits par les partisans d'une répression déguisée en combat féministes". Ils refusent que des "députés édictent des normes sur [leurs] désirs et [leurs] plaisirs" et s'inquiètent d'une tendance liberticide qui pourrait mener, puisqu'on y est, à l'interdiction de la pornographie.
Libération note dans la liste des signataires, "un mélange à forte dominante droite néorac". Nos confrères ironisent sur le manque de courage des 343 salauds qui prennent le soin de préciser "que tous n'avaient pas mis le doigt dans le pot de confiture". Elizabeth Lévy ajoutant, non sans humour, qu'ils ont peut-être "eu peur de se faire engueuler chez eux ?" Nicolas Bedos débutait ce 30 octobre par ce message publié sur Twitter : "Perso, je n'ai jamais fait appel aux services d'une prostituée. Mais je condamne toujours cette tendance des politiques à légiférer les moeurs." Et d'analyser : "Vouloir abolir la prostitution me semble aussi con que de vouloir abolir la pluie."
Dans un tribune publiée par LeMonde.fr, la présidente de la Ligue du droit des femmes, Anne Zelensky, dénonce un texte qui humilie les femmes. À la sortie du Conseil des ministres, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, est lapidaire : "Les 343 salopes réclamaient en leur temps de pouvoir disposer librement de leur corps. Les 343 salauds réclament le droit de disposer du corps des autres. Je crois que cela n'appelle aucun autre commentaire."
"343 salauds" clament leur droit à "leur pute"... À lire sur Libération.fr