Touts les conditions sont réunies pour que Jeannie Longo, légende vivante et encore en activité du cyclisme et du sport français, prenne, bon gré, mal gré, sa retraite. Non pas que l'indéboulonnable Grenobloise le veuille réellement, malgré ses 53 ans plus que respectables pour une retraite sportive, mais les circonstances commencent à peser...
A tel point que la championne ne parle pas seulement de fin de carrière, mais carrément d'idées noires et de fin de vie, dans des propos rapportés lundi soir par L'Equipe : "Vous savez, il y en a tellement qui se font malmener ils finissent par ou se suicider ou même avoir de graves maladies et ça, c'est grave qu'on puisse justement malmener quelqu'un à ce point-là. J'en ai des idées noires", a-t-elle déclaré sur RTL après avoir appris qu'elle n'était pas autorisée à prendre le départ à la course aux points des Championnats de France sur piste en raison de sa position sur le vélo, jugée non conforme.
Une nouvelle désillusion, un nouvel affront, un nouveau motif de dépression un mois après la sentence irrévocable de sa non-sélection pour les Jeux olympiques de Londres. En juin, Jeannie Longo, onze fois championne de France et quatre fois championne du monde de contre-la-montre (également détentrice d'une médaille d'argent et d'une médaille de bronze olympique de la spécialité), ne se classait que 5e du championnat de France du contre-la-montre. Quadruple tenante du titre, elle échouait non seulement à défendre sa couronne, mais aussi à gagner son billet pour les JO 2012, dans une ambiance assez consternante : la "fin de règne" de Longo, c'était un peu l'enterrement de mémé, et chacun, rivales ou gens du milieu, y est allé de sa petite pelletée de terre. Place aux jeunes certes, mais dans ces conditions, y a-t-il de quoi être fier ? Il aurait suffi de rappeler qu'en sport, la loi du plus fort fait foi, plutôt que d'accabler une coureuse qui a pris part sans exception aux huit olympiades disputées depuis 1984. Déjà éprouvée par une affaire de dopage dans laquelle elle a étéblanchie, la championne aux 59 titres nationaux avait dénoncé les conditions défavorables ménagées pour mieux la faire tomber, à commencer par l'interdiction faite à son mari Patrice Ciprelli d'être présent auprès d'elle en raison de sa suspension liée à une enquête en cours sur une affaire d'EPO.
Quelques jours après cette déconvenue, Jeannie Longo n'avait pris que la 12e place à l'arrivée de la course en ligne, son dernier espoir de qualification olympique et la spécialité sur laquelle elle avait conquis, en 1996, son unique titre olympique.
Humiliée, fatiguée psychologiquement des "suspicions systématiques" de dopage, des contrôles permanents et des intimidations ("Le dernier coup de poignard, les officiels de la Fédération m'ont fait modifier la position de ma selle de 2 centimètres quelques minutes avant la départ. Je n'ai pas eu du tout mes marques. C'est carrément hostile, on veut se débarrasser de moi"), Jeannie Longo, qui n'en est pas à sa première grosse déprime, n'a pas plus de mal à dire son amertume que ses bourreaux en ont eu à se réjouir de sa chute : "Je suis triste. Je suis indésirable. On me reproche d'être là en fait. Des sentiments qui sont d'abord de frustration, de dépit, de déception, il y a beaucoup de sentiments qui se sont mêlés. Dans d'autres sports, des athlètes comme moi on leur dit au revoir avec la larme à l'oeil et puis avec cérémonie. Ce n'est pas ce que je demande vraiment mais au moins un peu de reconnaissance. Vous savez il y en a tellement qui se font malmener ils finissent par ou se suicider ou même avoir de graves maladies et ça, c'est grave qu'on puisse justement malmener quelqu'un à ce point-là. J'en ai des idées noires mais je pense que je réfléchis quand même donc j'ai des idées noires mais après réflexion, je les transforme." Quitte même à les transformer en revanche pour des JO 2016 à 57 ans ?