De Guillaume Canet à Isabelle Huppert en passant par Charlotte Gainsbourg, François Ozon ou encore Maïwenn, ce sont plus de 1600 personnalités du cinéma français (producteurs indépendants, réalisateurs et acteurs comme techniciens) à avoir appelé jeudi 28 mars le gouvernement à stopper l'extension d'une convention collective des métiers du cinéma, qui mettrait selon eux en danger des milliers d'emplois et la diversité des films.
Dans cette convention initiée par le président François Hollande ("l'ami" des artistes pendant la campagne électorale), Michel Sapin, son ministre du Travail, et Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, le gouvernement souhaite instaurer la mise en place de seuils minimaux de rémunération pour les réalisateurs, ouvriers et techniciens du cinéma. A priori pas de soucis puisque une telle décision sous-entend une augmentation des salaires pour les techniciens débauchés par les producteurs.
Sauf que cette convention, d'une part signée par les 4 majors et distributeurs français (Gaumont, Pathé, UGC et Mk2), mettrait en péril de nombreuses petites et moyennes productions, comme l'explique au Figaro la productrice Kristina Larsen (Les Adieux à la Reine) : "Je suis en train de recruter les équipes pour deux films qui seront tournés cet été. Je dois intégrer que la masse salariale, qui représente un tiers du budget, va gonfler de 25 %. Comme le financement n'augmente pas, je suis obligée de demander aux réalisateurs de supprimer une à deux semaines de tournage, donc de modifier les scénarios. Cela revient à couper des scènes".
Un comble pour les producteurs indépendants, qui estiment représenter 95% du cinéma français dans ses productions. Jeudi 28 mars, de nombreuses personnalités du cinéma dont la productrice oscarisée Margaret Menegoz (Amour), se sont réunis pour exprimer leur colère quant à cette convention collective. Pour la productrice de Michael Haneke, une telle décision de la part du gouvernement est une incitation à "accentuer la délocalisation des tournages car si les acteurs doivent parler français, ce n'est pas obligatoire pour les techniciens. Or, nous sommes entourés de pays comme la Belgique, le Luxembourg où les aides aux tournages sont plus favorables", a-t-elle souligné.
Une indignation également partagée par le monde de la publicité et des producteurs de films publicitaires. L'un d'eux, Julien Pasquier, furieux, s'est exprimé au Figaro : "Les grands groupes signataires de cette convention collective ne produisent pas de films publicitaires. Au nom de quel droit, ont-ils négocié pour notre secteur ?" En ce qui concerne son secteur, 180 films publicitaires sont menacés dès que la convention collective sera entrée en vigueur au 1er juillet prochain.
Dans un texte transmis à l'AFP, les producteurs indépendants disent "prendre acte" de la nomination dans la nuit par le gouvernement d'un médiateur dans le dossier, mais "restent pleinement mobilisés pour la défense du cinéma français et le retrait du projet d'extension tel que prévu par le gouvernement". Selon eux, cette convention "menace directement chaque année 20 000 emplois intermittents dans le cinéma et la publicité et 70 films de longs-métrages, 600 courts-métrages en France" tout en accentuant une inégalité "au profit des productions les plus riches". Des signataires tels que Costa-Gavras, Agnès Jaoui, Mathieu Amalric ou encore Vincent Cassel y dénoncent "la concentration et le pouvoir économique des grands groupes d'exploitation de salles de cinéma".