"Qu'est-ce qu'elle a ? - 13 ans", voilà une réplique qui résume à merveille le film culte de Claude Pinoteau, La Boum (1980), ou les premiers émois amoureux d'une adolescente, Vic Berretton, devenue icône de toute une génération.
Trente en plus tard, le film du réalisateur n'a pas pris une ride : les dialogues sonnent toujours aussi juste, les parents sont toujours aussi incompréhensifs, et les garçons toujours aussi méchants... Décédé des suites d'une longue maladie vendredi 5 octobre à Neuilly à l'âge de 87 ans, Claude Pinoteau laisse sa marque dans le cinéma français notamment grâce à ce film transgénérationnel. Retour sur un phénomène.
Elle s'appelait Sophie Maupu, elle deviendra Sophie Marceau...
La Boum, c'est avant tout la révélation d'une actrice née, Sophie Marceau. Pour le réalisateur, elle incarne Vic Beretton, jolie adolescente de 13 ans qui n'a qu'un mot à la bouche, "les boums". Confrontée à la déchirure du couple de ses parents - on retrouve Claude Brasseur dans le rôle du mari infidèle, Brigitte Fossey dans celui de la femme trompée en quête d'indépendance, et l'excellente Dominique Lavanant dans celui de la maîtresse diabolique -, Vic Beretton ne pense qu'à ses boums et à son beau Mathieu (Alexandre Sterling) aux yeux bleus.
C'est avec une spontanéité étonnante et un peps fou que Sophie Maupu devenue Sophie Marceau porte ce personnage au statut de modèle de toute une génération. Premiers flirts, premiers slows mais aussi premiers chagrins d'amour, Sophie Marceau joue avec brio le quotidien d'une adolescente, qui n'est autre que son quotidien. Le pari est gagné : les spectateurs s'attachent à cette ado qui leur ressemble.
"En fait, je suis l'arrière-grand-mère, mais avec arrière, ça fait trop long !"
La Boum, ce sont aussi des dialogues inoubliables portés par des personnages justes et sincères. C'est la réalisatrice Danièle Thompson qui en a écrit les dialogues, se plongeant avec finesse et vérité dans la tête de l'adolescence, et rendant culte le quotidien de Vic, perdue entre l'enfance et le monde adulte.
On se souvient de l'invitation à la fameuse boum de Raoul, le copain d'école à laquelle Vic et Pénélope (la talentueuse Sheila O'Connor) voulaient tant aller : "Ils sont derrière nous ! - T'es sûre ? - J'te l'dis ! J'crois qu'ils veulent nous rattraper... Ralentis sans en avoir l'air... Ralentis j'te dis !" ; de la négociation pour se rendre à cette même boum : "Oh écoute m'man c'est vachement urgent, faut que j'ai une réponse tout de suite ! Mais avant que j'te l'dise, jure moi que tu me diras oui. - Enfin écoute Vic, j'suis en plein rendez-vous tu te rends compte ! - Est-ce que j'peux aller à une boum samedi soir ? - On en reparlera tout à l'heure tu veux ? - J't'en supplie faut que je sache maintenant ! - Eh bien c'est non. [Elle raccroche] - Merde ! ...". Sans oublier les premiers coups de spleen : "Le jour où un garçon sera amoureux de moi, vraiment amoureux. Je le ferai souffrir horriblement", avant d'ajouter "Ma boum sans Mathieu , c'est même pas la peine. - Mais non tout le monde y va, ça va être génial ! - J'm'en fous de tout le monde, c'est lui que je veux !"
Qui n'a pas eu son Mathieu, ce garçon dont toute fille a été folle et pour lequel elles étaient prêtes à fuguer au Touquet ? Qui n'a pas eu ces parents qui ont le malheur de confondre "surboum" et "boum", qui emmènent leurs enfants en voiture le samedi soir à la boum d'un copain de collège et qui ne comprennent rien aux chagrins d'amour de leur enfant ?
Et surtout qui n'a pas rêvé d'avoir pour arrière-grand-mère la génialissime Poupette incarnée par Denise Grey. Poupette, confidente de Vic, est surtout un personnage extrêmement moderne, que rien ne choque, pas même l'adultère. Jeune dans sa tête (elle criait haut et fort : "J'ai peut-être un pied dans la tombe, mais je ne veux pas qu'on me marche sur l'autre !"), on se souvient de ses coups d'éclat : Poupette allant vandaliser en compagnie de sa fille le magasin de la maîtresse de son mari, parlant sexualité avec sa petite-fille (enfin arrière petite-fille, mais avec arrière, ça fait trop long...) ou acceptant d'aller à l'opéra avec le laideron du collège pour que Vic puisse aller à sa boum...
"Dreams are my reality"
La Boum, c'est aussi une bande orignale culte : (dreams are my) reality chantée par Richard Sanderson, le slow, de Vic et Mathieu, qui devint celui de toute une génération. Ce sont également des endroits mythiques, une intrigue qui se déroule entre le cinéma de La Pagode et le club de La Main Jaune ainsi qu'au lycée Henri IV où Vic est scolarisée. C'est aussi "Monsieur Lehman", le prof d'allemand beau gosse de Vic incarné par le regretté Bernard Giraudeau, et la petite soeur peste (Samantha jouée par Alexandra Gonin) qui monnaye son silence.
La Boum rappelle enfin les vacances, vacances pendant lesquelles le film est multi-rediffusé chaque année. Intemporel, La Boum est surtout un film qu'on ne se lasse pas de revoir, année après année, décennie après décennie.
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