Ce lundi 13 octobre, Oscar Pistorius retrouvait le box des accusés du tribunal de Pretoria. D'ici à la fin de la semaine, l'athlète handicapé connaîtra la sentence que lui infligera la juge Thokozile Masipa pour avoir tué sa compagne Reeva Steenkamp.
"Un homme brisé"
Reconnu non coupable de meurtre mais coupable d'homicide par négligence au terme d'un procès fleuve, Oscar Pistorius connaîtra cette semaine sa sentence. Après plusieurs mois d'interruption, l'audience a repris et aussi bien l'accusation que la défense feront appel à des témoins pour tenter d'alourdir ou d'alléger la peine au maximum en convaincant la juge.
La défense, qui a annoncé quatre témoins, a appelé à la première heure la psychologue Lore Hartzenberg, qui a suivi Oscar Pistorius durant les 18 mois qui ont suivi la mort de Reeva. "Nous sommes face à un homme brisé, qui a tout perdu, a-t-elle expliqué. Il a perdu sa réputation morale et professionnelle, il a perdu des amis, il a perdu sa carrière et par conséquent la possibilité de gagner sa vie et son indépendance financière." Elle a longuement décrit, avec l'accord de l'accusé, leurs séances durant lesquelles il restait parfois silencieux, pleurant et vomissant. Elle a évoqué les "sincères remords" d'Oscar Pistorius, et le fait qu'il n'avait pu assister à la cérémonie funéraire de Reeva. "Sur le plan émotionnel, sa perception de lui-même, de sa valeur et de son identité a été gravement atteinte, au point qu'il est peu probable qu'il puisse récupérer complètement", a-t-elle poursuivi, ajoutant qu'il pourrait très bien reprendre la compétition, mais que cela dépendrait de certaines circonstances, sous-entendu s'il écopait ou non d'une peine de prison ferme.
Cette intervention a provoqué une passe d'armes avec le procureur Gerrie Nel qui a fustigé la psychologue, lui reprochant de ne pas avoir lu entièrement le verdict et d'avoir un avis influencé par le fait qu'Oscar Pistorius avait été son patient. Il a également pointé du doigt la douleur de la famille Steenkamp, elle aussi brisée : "Nous avons affaire à un homme brisé, mais lui est bien vivant."
Travaux d'intérêt général ?
Un peu plus tard, c'est un responsable des services pénitentiaires, Joel Maringa, qui a suscité la colère de l'audience. Il a en effet suggéré des travaux d'intérêt général de 16 heures par mois... "Il fera huit heures deux fois par mois", durant les trois ans à venir, sous le régime des arrêts domiciliaires, à nettoyer un musée a-t-il avancé, citant le rapport de ses services sur Oscar Pistorius.
Une décision qui a fait exploser Gerrie Nel, lequel a qualifié cette proposition d'"inappropriée et choquante", quand la famille de Reeva Steenkamp secouait la tête, signe de son incompréhension. "L'accusé bénéficiera d'une surveillance correctionnelle et aura la possibilité de se restructurer et de modifier son comportement", a conclu Joel Maringa.
"Une personne humble" selon son manager
Barry Roux, l'avocat de la défense, a alors appelé son troisième témoin, Peet Van Zyl, le manager de l'accusé. À la barre, il a expliqué qu'Oscar Pistorius était perçu comme "une icône mondiale du sport", avant la nuit du drame, avant de lister les nombreuses oeuvres caritatives dans lesquelles il était impliqué dans un épais document qu'il avait apporté avec lui. On le retrouve avec l'Unicef ou avec le fabricant de lunettes Oakley, pour lever des fonds contre les problèmes de vue, ou les dons qu'il faisait volontiers à des personnes qui ne pouvaient s'offrir des prothèses.
"J'attends toujours de rencontrer une personne plus humble qu'Oscar Pistorius", a-t-il lâché, avant d'évoquer la fondation que le sportif aurait bien aimé monter : "[Il] disait qu'un jour, sa fondation serait capable de rendre la mobilité aux personnes handicapées." Une fois égrenée la longue liste des bonnes oeuvres, c'est celle des sponsors qui l'ont lâché que dresse Peet Van Zyl. Là aussi, ils sont nombreux. Et ses contrats pub, cinq fois plus élevés qu'avant les JO. Soit un important manque à gagner pour celui qui avait décidé de prendre sa retraite en 2017, à l'âge de 31 ans. Le manager s'est évertué à dépeindre un Oscar Pistorius humble aujourd'hui totalement ruiné. Une vision que ne manquera pas d'attaquer le procureur Gerrie Nel demain mardi 14 octobre, date à laquelle doit reprendre l'audience.
Verdict attendu
Une fois tous les témoins appelés, la juge rendra son verdict. Aucune peine en particulier n'existant dans le code pénal sud-africain pour l'homicide par négligence, toute la palette des sanctions est ouverte. Outre les témoins, d'autres facteurs pourraient jouer sur la sanction, comme les remords exprimés par Oscar Pistorius, son casier judiciaire vierge ou l'éventuelle nécessité de le maintenir en prison afin de protéger d'autres vies humaines.
Si le verdict de la juge avait été controversé, nombreux sont ceux qui étaient finalement tombés d'accord sur le fait qu'il était impossible de retenir la préméditation ou la dispute du couple le soir même. Cependant, beaucoup n'acceptent pas que l'athlète affirme n'avoir pas mesuré les conséquences de son geste en tirant quatre balles expansives à travers la porte, et ainsi n'avoir pas envisagé la possibilité de tuer, si ce n'est Reeva, du moins le cambrioleur.
"L'impression que ça donne, c'est qu'on est trop clément, a expliqué à l'AFP l'avocat Martin Hood. On répète ça sans arrêt. On a des magistrats et des juges qui peuvent infliger des peines sévères, et ils ne le font pas. (...) Fondamentalement, il manque dans ce pays une culture de la punition et de la responsabilité."