Il aurait eu 73 ans le 21 juillet dernier. Il y a déjà dix ans, Robin Williams, illustre acteur américain, mourait à l'âge de 63 ans, après avoir mis fin à ses jours. C'est sa veuve, Susan Schneider, qui avait retrouvé son corps sans vie à leur domicile californien, pendu à une ceinture, le poignet entaillé d'une dizaine de petites coupures. L'autopsie réalisée révèlera que la mort n'a pas été provoquée par ces légères entailles, mais par la pendaison, qui a provoqué une asphyxie. Elle montrera surtout le mal dont souffrait sans le savoir Robin Williams. En 2015, dans une interview, Susan Schneider expliquera que les analyses post mortem avaient démontré que son défunt époux était atteint de la démence à corps de Lewy, dont est notamment atteinte la journaliste française Catherine Laborde.
Cette maladie, Robin Williams ne l'a jamais connue. Lorsqu'il est mort, sa conscience mentale était déjà nettement altérée, le poussant au suicide. Quelques mois précédant son terrible geste, l'acteur du Cercle des poètes disparus s'était vu diagnostiquer, à tort, la maladie de Parkinson. Il faudra attendre les médecins légistes pour le savoir. Ce sont eux qui sont parvenus à mettre en évidence la démence à corps de Lewy, une maladie neuro-dégénérative qui revêt les caractères de Parkinson comme d'Alzheimer. Elle se manifeste par des troubles cognitifs progressifs, des hallucinations visuelles, des délires paranoïaques, des crises schizophréniques, ou encore de la tachycardie, de l'hypotension orthostatique et des contractions musculaires.
Avant de mourir, Robin Williams avait pris le soin de mettre ses affaires au propre. Il avait rédigé son testament, dans lequel il pensait mettre à l'abri sa veuve comme ses trois enfants. Mais l'acteur de Jumanji n'imaginait pas que le partage qu'il avait décidé allait provoquer un tel capharnaüm, que seuls les tribunaux allaient pouvoir démêler. Et pour cause... Le père de famille avait pris la décision de léguer l'intégralité de ses biens à ses trois enfants, mais offrait à sa veuve une rente jusqu'à la fin de sa vie, ainsi que sa maison californienne. Problème ? Le testament ne précisait pas de quelle maison il s'agissait. Or, Robin Williams était propriétaire d'une maison à Napa et d'une autre à Tiburon, toutes deux en Californie. Si Susan Schneider assurait qu'il parlait de la résidence de Tiburon, rien ne le spécifiait clairement dans les dernières volontés manuscrites du défunt...
Ce flou va provoquer la guerre. Le grand déballage démarre. Zelda Williams et ses deux frères, Zachary et Cody, refusent de céder la villa à leur belle-mère, jugeant que le testament n'est pas suffisamment clair. Les trois enfants sont d'autant plus furieux que leur belle-mère estime ne pas être suffisamment mise à l'abri par leur père, jugeant que la rente qu'il lui a octroyée n'est pas assez importante... En effet, elle la considère insuffisante, au regard des frais liés à l'entretien de la villa de Tiburon. Elle exige donc que la rente soit revue à la hausse, ce que contestent ses beaux-enfants, qui l'estiment cupide et intéressée uniquement par le patrimoine de leur défunt père, auquel elle était mariée depuis moins de trois ans.
Zelda, Zachary et Cody traînent leur belle-mère devant la justice, arguant que la rente que leur père a fixée pour cette dernière n'est pas suffisamment claire, et n'indique pas si elle doit également s'acquitter des gros travaux. Mais à l'audience, l'avocat de Susan Schneider est pugnace, et balaie les arguments des enfants : ''Monsieur Williams voulait simplement que sa femme puisse vivre dans leur maison, sans perturber sa vie future. En comparaison avec ce que ses enfants vont recevoir, ce n'est qu'une goutte d'eau dans un océan !'' Mais ce différend autour des conditions de la rente de Susan Schneider n'est que l'arbre qui cache la forêt...
En dehors de ce litige, un autre point, plus épineux, détruit le clan. Les trois enfants de Robin Williams veulent conserver l'oeuvre morale de leur père, ainsi que tous les objets qui lui appartenaient. En ligne de mire pour les deux parties, la collection faramineuse de montres de luxe de Robin. L'acteur en possédait 86, et le tout est estimé à quelques millions d'euros. Sur son testament, Robin Williams avait établi que la totalité de ses ''bijoux'' revenait à ses enfants. Mais là encore, le clan se déchire autour de la terminologie du mot. Pour Susan Schneider, par ''bijoux'', son défunt mari ne spécifiait pas clairement qu'il léguait sa collection de montres de luxe à ses enfants, à laquelle il tenait tant. Elle affirme que ces montres lui reviennent de droit, et que seuls les bijoux de famille reviennent aux enfants.
Pendant plusieurs mois, aucune des deux parties ne veut transiger. Mais en 2015, au bout de longues semaines de tractations, la veuve propose un accord à ses trois beaux-enfants : elle leur laisse la totalité des objets de l'artiste, qui ont un lien direct avec sa carrière et son oeuvre, et elle garde les montres de luxe qu'il a acquises au fil de sa collection. Mais l'épouse de Robin Williams commet un impair, en déclarant que les montres de luxe de son époux n'étaient que des ''bibelots'' qu'il avait amassés au fil des années... Ce terme fait bondir les trois enfants, qui rappellent, dans un communiqué, que la collection de leur père lui tenait, et avait été ''amassée de façon attentionnée au cours de (sa) vie'. ''Ces montres lui étaient très précieuses. Nous avons grandi en même temps que cette collection, et nous avons partagé la passion de notre père'', faisaient-ils savoir par le biais de leur conseil commun.
Le litige est tel qu'il relève à présent de la seule compétence d'un commissaire de justice. Devant ce dernier, les trois frères et soeur condamnent le comportement de leur belle-mère, qu'ils accusent de leur interdire l'accès à la villa que leur père lui a léguée, alors même qu'il avait indiqué sur son testament que s'il donnait cette maison à sa dernière épouse, il insistait pour que ses enfants puissent encore y séjourner et la visiter à leur guise.
Ce n'est qu'en octobre 2015 que le dénouement s'opère. Plus d'un an après la mort de Robin Williams, les deux parties parviennent à mettre un terme à la bataille juridique et médiatique qu'ils avaient lancée. Via le magazine People, les clans annoncent se mettre d'accord sur l'ensemble du testament de l'acteur. Susan Schneider déclare ''conserver les objets de valeur sentimentale qu'elle avait demandés, comme les cadeaux de mariage, les vêtements, et une montre que Robin portait souvent''. La veuve souhaitait également conserver les vélos qu'elle et son défunt mari s'étaient offerts lors de leur lune de miel. Les trois enfants acceptent.
De leur côté, Zelda, Cody et Zachary obtiennent les 50 vélos que son père avait collectionnés au fil de sa vie, ainsi que les 85 montres restantes. La rente, elle, n'est pas réévaluée, et Susan Schneider devra se contenter de la somme mensuelle que son époux lui avait par écrit octroyée, conformément à ses dernières volontés, immuables en droit français comme en droit américain. Au final, comme l'a rappelé l'avocat de Susan Schneider, cette dernière aura capitulé, se retrouvant selon lui lésée, volontairement, pour mettre fin au conflit qui l'opposait à sa belle-famille : ''Mrs. Williams ne reçoit finalement qu'une infime portion de l'héritage de M. Williams, estimé à plus de cent millions de dollars.'' Et de nuancer toutefois son propos : ''Les fonds qu'elle va percevoir seront suffisants pour lui permettre de rester dans la maison pour le restant de ses jours.''
Depuis lors, Susan Schneider a coupé définitivement les ponts avec Zelda Williams et ses deux frères, lesquels sont nés de deux mariages différents. Zachary, l'aîné, âgé de 41 ans, est le fruit du premier mariage de Robin Williams, avec Valerie Velardi. Mais le couple divorce rapidement, après que l'acteur a trompé son épouse avec Michelle Tish Carter. Zelda et Cody, eux, sont issus du second mariage de leur père, avec Marsha Garces Williams, qui n'était autre que la nourrice de Zachary. Ils divorceront après 19 ans de vie commune, en 2008.
Depuis dix ans, Susan Schneider a à coeur de faire connaître la démence à corps de Lewy dont souffrait son mari, et qui l'a conduit au suicide, en raison d'un diagnostic raté. En 2016, elle a publié un témoignage baptisé Le terroriste dans le cerveau de mon mari, dans lequel elle adressait une lettre ouverte aux médecins spécialistes de cette pathologie rare et orpheline, et les exhortait à davantage écouter les symptômes décrits par leurs patients, pour mieux déceler le mal qui les ronge : ''Mon espoir est que cela (les) aidera à mieux comprendre (leurs) patients ainsi que leurs épouses, et ceux qui prennent soin d'eux."
En 2020, Susan Schneider, toujours très engagée dans la lutte contre le silence entourant cette maladie, est devenue vice-présidente du comité American Brain Foundation, une fondation qui oeuvre pour les maladies du cerveau. Si Susan s'est battue contre les enfants de Robin, elle n'a jamais cessé de faire perdurer sa mémoire, comme leur amour. De leur côté, les enfants Williams ont décidé de rapidement mettre la maison qu'ils ont acquise en vente, et se sont partagés une coquette somme d'argent : 18 millions de dollars.