"La remise de la légion d'honneur à Thierry Ardisson est une honte" : ce sont par ces mots forts que l'actrice Sara Forestier a décidé de s'exprimer, ce vendredi 12 avril, quelques heures après que l'animateur historique de Canal+ ait reçu la décoration des mains d'Emmanuel Macron. Remontée, celle qui n'a pas l'habitude de se laisser marcher sur les pieds, a notamment repris une story publiée par Judith Godrèche qui a ressorti une ancienne interview pour justifier son propos.
Invitée dans Tout le monde en parle en 2006 pour promouvoir Hell, de Bruno Chiche, dans lequel elle joue une jeune femme perdue qui passe son temps à draguer des hommes de la jet-set, la jeune femme de 20 ans seulement est soumise à un quiz "Lolita", pour "vérifier" selon l'animateur, si elle est "une vraie Lolita".
Et les questions posées, auxquelles elle répond par la négative, la mettent clairement mal à l'aise : "Tu passes ta langue sur tes lèvres de temps en temps dans la journée ? T'as déjà rendu fou un mec juste pour le plaisir ? T'as déjà traité un mec de mauvais coup ? T'as déjà ri en voyant un mec à poil ? T'as déjà volé le mec d'une copine ? T'as déjà poussé un mec à quitter sa femme juste pour le fun ? T'as déjà dit à un mec que tu le trompais juste pour lui faire du mal ?", enchaîne l'animateur en riant, parfois soutenu par Laurent Baffie.
Visiblement gênée, Sara Forestier, quant à elle, ne réagit pas vraiment, se contentant de répondre non. Jusqu'à la question fatidique : "T'as déjà dragué un ami de ton père ?", demande Thierry Ardisson, tandis que Laurent Baffie enchaîne, sur le ton de l'humour : "T'as déjà dragué ton père ?". Choquée, elle s'exclame : "T'es fou !", sous les rires du public.
Une séquence qui, dans un contexte de libération de la parole, ne fait plus vraiment rire. Et la principale intéressée ne s'est pas privée de le rappeler dans un long message furieux sur Instagram : "2006. Je vis encore chez mes parents, dans ma chambre d'ado. Je vais sur un plateau de télé pour promouvoir mon TRAVAIL. Et là, on me demande en gloussant si j'ai déjà dragué des amis de mon père. Ou si j'ai déjà dragué mon père", rappelle-t-elle, encore choquée.
"La légion d'honneur pour cet homme... Je me demande ce que représente l'honneur pour l'état français. C'est vrai... c'est tellement honorable de banaliser l'inceste, l'emprise des hommes plus âgés sur des jeunes filles, d'humilier des jeunes filles en les réduisant au statut d'objet sexuel... Je les regarde jouir en gloussant de cette domination et je me dis que notre époque les balayera eux et leur impunité à laquelle ils tentent de s'accrocher en bande organisée", continue l'actrice, connue pour son caractère et son franc-parler.
Et finit par s'en prendre au système, alors que les dénonciations contre les hommes de médias s'enchaînent, ces dernières années : "La figure de Lolita élaborée pour justifier la culture du viol, de l'inceste... l'humiliation des jeunes CREATRICES en les réduisant à être des objets sexuels... Tout ça participe d'un ENDOCTRINEMENT DES AGRESSEURS qui infusent toute la société de manière STRUCTUREE et qui permet ensuite des EMPRISES INDIVIDUELLES. C'est structuré, validé, diffusé (à la tv)... Il n'y a pas de loups solitaires, juste des agresseurs qui se soutiennent, et préparent le terrain aux autres. Mais this is the end [c'est la fin, ndlr], bande de trouduc. L'époque vous balayera".
"Où plaçons-nous notre dignité ?"
Un message fort contre cette nomination déjà dénoncée dans Libération par Christine Angot pour une interview similaire et immédiatement partagé par deux consoeurs elles-mêmes très engagées contre la maltraitance faites aux femmes et aux enfants, Judith Chemla et Judith Godrèche.
La dernière, qui a récemment porté plainte contre Benoit Jacquot et Jacques Doillon pour viol, a même ajouté un commentaire éloquent : "Sara Forestier avait 20 ans. Elle était vierge. Vivait chez ses parents, dans sa chambre d'adolescente. Ce sont ses mots. Qu'elle vient de m'écrire. Alors je me pose cette question. Qui sommes-nous ? Et où plaçons-nous notre dignité ?" Une question qui éveillera peut-être les consciences lors des prochaines récompenses...