Si la planète football perd l'un de ses tacticiens les plus brillants, elle perd également l'un des entraîneurs les plus controversés du début du siècle. Luis Aragonés est mort ce 1er février. Il avait 75 ans.
L'idôle d'un peuple
Pour les Espagnols, il restera comme le sélectionneur qui a posé les bases de la Roja conquérante et qui domine aujourd'hui le monde. Sous ses ordres, l'équipe nationale a décroché son premier titre majeur depuis l'Euro 1964 en s'imposant dans la même compétition en 2008. Au lendemain de cette victoire, Luis Aragonés annonçait sa retraite, laissant à son successeur une sélection nationale au sommet de son art et avait mis en place le célèbre jeu de passe qui fait de la Roja une équipe si difficile à vaincre de nos jours.
En conservant les mêmes joueurs et la même philosophie, son successeur Vincente del Bosque allait par la suite s'imposer lors de la Coupe du Monde 2010 et conserver son titre européen en 2012, performance jamais réalisée jusque là.
"Ce matin est décédé Luis Aragonés, l'historique entraîneur de football qui a gagné (...) le Championnat d'Europe avec la sélection espagnole", a indiqué la clinique Cemtro de Madrid sur son site internet où il était hospitalisé depuis jeudi. "La RFEF veut exprimer sa douleur et sa consternation après la mort de celui qui fut joueur et entraîneur de football pour divers clubs d'Espagne et d'ailleurs, et sélectionneur national de l'Espagne au début de son époque la plus glorieuse en termes de victoires au niveau mondial", écrit la fédération dans un communiqué.
Hommages des joueurs
"Il était un exemple pour le foot espagnol. Quand j'ai appris la nouvelle, ça a été une grande douleur. Je tiens à transmettre à sa famille mon chagrin à titre personnel mais aussi au nom de l'institution que je représente. C'est une perte douloureuse pour le football", a pour sa part déclaré Angel Maria Villar, le président de la Fédération espagnole.
Les joueurs espagnols furent également nombreux à rendre hommage à celui qui décrocha avec l'Athletico Madrid le championnat en 1977 et trois coupes du roi en tant qu'entraîneur, et qui comptait onze sélections avec la Roja en tant que joueur. Le jeune papa Iker Casillas a évoqué l'entraîneur qui a "le plus compté dans [sa] carrière", quand un autre papa, Cesc Fabregas a lui aussi remercié l'entraîneur pour ce qu'il avait pu lui apporter : "Aujourd'hui a disparu une personne qui a fait beaucoup à la fois pour ma carrière et pour moi-même. Repose en paix, merci pour tout." Les joueurs de la Roja, comme Andrés Iniesta ou Fernando Torres, ont tous rendu hommage à Luis Aragonés.
Thierry Henry, ce "noir de merde"
Pourtant, l'ancien sélectionneur espagnol n'aura pas laissé que des bons souvenirs. En octobre 2004, lors d'un rassemblement de l'équipe d'Espagne, il traite Thierry Henry de "noir de merde". Lors d'une session de motivation de son attaquant José Antonio Reyes, alors partenaire du Français à Arsenal, il avait lâché : "Dis à ce noir de merde que tu es bien meilleur que lui. Ne te retiens pas, dis lui. Dis lui de ma part. Tu dois croire en toi, tu es bien meilleur que ce noir de merde."
La scène, filmée, avait fait grand bruit et provoqué une vive polémique. Mais en Espagne, l'insulte était passée comme une lettre à la poste, la Fédération n'infligeant à son sélectionneur qu'une amende symbolique de 3 000 euros. L'UEFA, la Fédération Européenne, avait pour sa part condamné l'Espagne à 100 000 francs suisses d'amende, soit environ 82 000 euros.
Luis Aragonés, qui a toujours refusé de s'excuser personnellement auprès de Thierry Henry, a toujours affirmé qu'il n'était pas raciste, expliquant qu'il avait des "amis noirs, gitans et japonais et même un dont le job est de déterminer le sexe des poules." Il avait également expliqué que Thierry Henry savait très bien ce qu'il pensait, grâce à Reyes et d'autres biais, sans jamais être plus clair à ce sujet.
Plus surprenant, le sélectionneur avait reçu de nombreux soutiens de joueurs africains qu'il avait eu sous ses ordres, assurant qu'il n'était pas raciste. Samuel Eto'o avait eu alors cette fameuse phrase, expliquant qu'il n'était traité de "sale noir" par celui qu'il appelait "grand-père" que quand il ratait match...