Toutes les caméras et les micros sont braqués sur la cour criminelle de Vaucluse ce jeudi 19 décembre 2024. Partie délibérer à 10h30 lundi matin, après trois mois et demi d'audience, la justice va annoncer le sort qu'elle a décidé de réserver à ces hommes âgés de 27 à 74 ans, venus agresser sexuellement Gisèle Pelicot, préalablement sédatée par son époux d'alors, Dominique, à leur domicile de Mazan, annonce l'AFP. Les trois enfants du couple, David, Caroline et Florian, sont arrivés ensemble au tribunal, fendant une foule de spectateurs, militants et journalistes. Leur mère Gisèle est, elle, arrivée séparément et souriante un peu après, accompagnée de ses deux avocats. Le verdict est tombé : Dominique Pelicot est "déclaré coupable" de viols aggravés sur son ex-épouse Gisèle après avoir pendant une décennie drogué son ex-épouse aux anxiolytiques avant de la violer et la livrer à des dizaines d'inconnus recrutés sur internet. Il a également été reconnu coupable d'enregistrement et de détention d'images prises à leur insu de sa femme, de sa fille et de ses belles-filles, ajoute l'AFP. Dominique Pelicot condamné à la peine maximale de 20 ans de prison. Enfin, la cour criminelle de Vaucluse a déclaré coupable l’ensemble de ses 50 coaccusés.
Cette décision, dans un palais de justice d'Avignon sous haute protection policière, a été scrutée de près, en France comme à l'étranger, tant ce procès a provoqué une onde de choc, depuis son ouverture le 2 septembre, devenant emblématique des questions autour des violences sexistes et sexuelles, de la soumission chimique, du consentement et plus largement des rapports hommes-femmes. Une personnalité du milieu, l'avocat, ténor de Barreau devenu homme politique, Eric Dupond-Moretti a donné son avis, lui qui connaît si bien les dossiers ultra-médiatisés comme le procès d'Outreau - il a défendu la "boulangère" Roselyne Godard, qu'il a fait acquitter.
Sur les ondes de France Inter la veille, l’ex-garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a proposé son point de vue sur l'affaire Mazan, après les excuses du mari de la victime, Dominique Pelicot. "Je suis un peu plus circonspect sur les manifestations au sein du Palais de justice, a-t-il ajouté. J’ai vécu des manifestations d’hostilité à l’encontre de certains accusés. Parfois de soutien, aussi. Au sein du Palais de justice, ça me dérange. Devant, pourquoi pas. Ailleurs pourquoi pas. Au sein du Palais, j’ai une petite réserve."
Le compagnon pacsé de la chanteuse québécoise Isabelle Boulay précise, sachant que tout propos sur l'affaire est brûlant : "Je comprends bien sûr le soutien, l’aide, que l’on apporte à Gisèle Pelicot, qui est une femme courageuse, dans le sens où elle a permis ce débat public. Au fond, elle pouvait l’éviter. (...) C’est un procès important parce qu’il a permis de mettre l’accent sur un type de viol qui n’est pas forcément le plus usité, la soumission chimique. Ça, effectivement, ça permet de prendre conscience d’une des formes du non-consentement, évidemment."
En demandant à ce que le procès ne soit pas en huis-clos, Gisèle Pélicot a réussi son défi : faire changer de camp la honte. Les mouvements féministes n'ont pas tardé à faire de cette mère de trois enfants une icône. Parmi les images marquantes, celles de l'épouse du violeur, chaque jour du procès, traversant la salle du Palais de justice sous les applaudissements, les haies d’honneur, et les bouquets de fleurs. Un collectif de femmes chante également devant le palais de justice d’Avignon depuis le début du procès, en soutien à Gisèle Pelicot et toutes les femmes victimes de violences.
Pour l'heure, Eric Dupond-Moretti a rangé sa robe d'avocat et son costume de ministre, cédant la place à Didier Migaud pour la Justice. Il a préféré mettre ses habits de comédien puisqu'il se lance dans un nouveau seul en scène avec "J'ai dit oui" au théâtre Marigny à Paris à partir du 1er février 2025. Le père de deux fils issus d'une première union, surnommé Acquittator doit toutefois suivre avec un intérêt certain le dénouement du procès le plus médiatisé de 2024.