Il a le sourire large, le regard fier. Passant incognito, dans l'ombre de Leonardo DiCaprio, Martin Scorsese ou encore Matthew McConaughey, Jordan Belfort se tient là, au bras de sa fiancée, une blonde peroxydée répondant au nom d'Anne Koppe. Lui le sait, même si le grand public connaît mal son visage, Jordan Belfort est la star de ce 17 décembre 2013, lorsque Le Loup de Wall Street tient sa première américaine à New York, avec une pléiade de stars et d'invités.
C'est "un homme changé", dit-on de lui. À l'écran, le véritable Jordan Belfort dévore des yeux l'adaptation de son roman et donc de sa propre histoire, Le Loup de Wall Street racontant l'ascension vertigineuse de ce petit courtier chez LF Rothschild en 1987, devenu six ans plus tard la star déchue de Wall Street en représentant la quintessence de tous ses excès (sexe, drogue, blanchiment...). Entre-temps, il aura créé Stratton Oakmont (1989), une firme de courtage qui lui valut, moyennant des méthodes douteuses, d'amasser en très peu de temps une fortune considérable.
Sur grand écran, Leonardo DiCaprio sublime avec son énergie décuplée ce golden boy des années 1990, dont l'ascension sera à la hauteur de la déchéance. Le tout en trois heures de film. Jordan Belfort peut jubiler, puisque vingt ans après ses actes, il peut encore se rendre compte à quel point il a marqué Wall Street de son empreinte.
D'ailleurs, l'homme reste encore dans d'autres mémoires : celles de ses victimes. Diane Nygaard, avocate et défenseur de quelques-uns de ceux qu'il a ruinés, n'a pas manqué de le faire remarquer au RadarOnline, alors que Jordan Belfort renfloue ses poches de billets verts avec les droits de son autobiographie et du film adapté au cinéma (lequel vient d'enregistrer 133 405 entrées dès son premier jour d'exploitation en France, et 10 millions de dollars dès sa sortie en salles aux États-Unis ce vendredi).
Des victimes qui ont tout perdu
Plutôt que Belfort, elle préfère nommer Stratton Oakmont, une société composée à son apogée d'un millier de jeunes traders, lesquels faisaient grimper artificiellement le cours d'actions vendues à des boursicoteurs agissant sous la pression, avant Belfort n'investisse lui-même ses actions dans les sociétés. En somme, une fois que ses clients ont acheté des parts, il revend les siennes à profit, ce qui entraîne la chute du cours et la ruine des autres malheureux investisseurs. Si Belfort assure que, pour lui, ses clients étaient riches et incarnaient une forme de rêve américain, la réalité est tout autre. Il a ruiné de nombreux citoyens de la classe moyenne, des retraités ou des petites entreprises. Aujourd'hui, "ils doivent encore beaucoup d'argent. Ça se compte en millions de dollars", assure l'avocate.
Pour illustrer son propos, elle prend un exemple, celui d'un fermier du Kansas. "C'est une petite ville d'environ 2000-3000 habitants dans le Nord du Kansas. Il a commencé petit. L'argent rentrait, alors il est allé dans une banque. Il a emprunté, et il a FedExé tout ça à New York." C'est alors que Belfort et sa société entrent en jeu. Le schéma imaginé par le trader lui fera tout perdre. Aujourd'hui, il tente encore de s'en remettre, vingt ans plus tard.
Mais la banqueroute de Stratton Oakmont ne facilite pas les choses et rend plus complexes les remboursements et les cas portés devant la justice. Aujourd'hui, l'avocate doute de la sincérité de Jordan Belfort, qu'elle trouve même insultant. Qu'il ait changé et trouvé Dieu sur son chemin, là encore, elle en doute : "Jordan est assurément en train de vivre la belle vie, et c'est définitivement très offensant pour cet homme qui a perdu des centaines et des milliers de dollars", tonne l'avocate en reprenant le cas de son client.
Après avoir passé près de deux ans derrière les barreaux pour détournement de fonds et blanchiment, Jordan Belfort est revenu à la vie active. En prison, il avait commencé son livre, qu'il a mis de longues années à terminer (pour le sortir en 2007, quelques mois après que Leo DiCaprio et Marty Scorsese ont acquis les droits pour une adaptation au nez et à la barbe de Brad Pitt) et se pose désormais en coach professionnel prônant l'éthique et la morale, donnant des conférences sur la formation et les stratégies de vente, pour la modique somme de 30 000 dollars par intervention.