L'allocution de la reine Elizabeth II fut courte, mais les rois et reines n'ont besoin que de peu de mots pour de grands effets. Plus tôt cette année, Juan Carlos Ier d'Espagne avait utilisé onze malheureux mots pour les premières excuses officielles de son règne long de trente-six années et, aidé de sa stature de symbole des valeurs nationales, faire oublier l'épisode du Botswana.
Le discours de remerciement de la monarque britannique de 86 ans, deuxième en longévité sur le trône d'Angleterre et peut-être plus grande encore aux yeux de l'histoire que celle qui la devance (la reine Victoria), a duré moins d'une minute. Mais il a été reçu comme une délectable offrande par des sujets extrêmement attachés à cette étincelle d'éternité, cette "figure de constance dans un monde changeant", lesquels ont massivement fait honneur à son jubilé de diamant. Ils étaient notamment un million sur les rives de la Tamise, à Londres, lors de la parade fluviale pluvieuse où Kate Middleton a brillé par son audace, et plusieurs centaines de milliers sur le Mall devant Buckingham Palace lundi soir pour le concert du jubilé, puis mardi après-midi pour l'apparition finale au balcon de la famille royale. Mais ils étaient aussi nombreux à se rassembler pour célébrer leur reine à l'occasion du Big Jubilee Lunch dimanche ou encore pour l'accueillir à la cathédrale Saint Paul mardi matin, où l'archevêque Rowan Williams a rendu grâce à sa "vie de dévouement".
"Une leçon d'humilité, des souvenirs pour la vie" : une allocution inédite depuis la mort de Diana...
Un esprit de dévouement qui, au bout de 60 ans de règne, s'est à nouveau manifesté dans l'allocution de Sa Majesté pour témoigner toute sa gratitude :
"Les événements auxquels j'ai pris part à l'occasion de mon jubilé de diamant ont été une leçon d'humilité. Cela m'a touché au plus profond de mon être de voir autant de familles, voisins et amis, par milliers, se réunir pour faire la fête ensemble dans une telle atmosphère de joie. Mais le prince Philip et moi-même voulons saisir l'opportunité de formuler des remerciements particuliers et de témoigner notre reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à organiser les célébrations de ce jubilé. C'était un défi de grande ampleur, et je suis certaine que chacun de ceux qui ont profité de ces festivités a conscience de tout le travail engagé. J'espère que les souvenirs de tous les heureux événements de cette année illumineront nos vies pour de nombreuses années à venir. Je continuerai pour ma part à chérir et à trouver l'inspiration dans les innombrables marques de gentillesse qu'on me témoigne dans ce pays ainsi que dans l'ensemble du Commonwealth. Merci à tous." Des souvenirs forts, il y en aura, à l'image de ces quatre heures que la monarque et son époux le duc d'Edimbourg, 91 ans dimanche prochain, ont passées debout dans le froid et la pluie pour la parade sur la Tamise dimanche 3 juin 2012, ou ce baise-main et cet hommage ému du prince Charles à sa "mummy"...
Le message a été filmé lundi soir après l'hospitalisation du prince Philip et juste avant le concert du jubilé, puis diffusé mondialement mardi soir. Un message, aussi, qui constituait une première : jamais la reine Elizabeth II n'avait fait une telle allocution vidéo, hormis ses traditionnels voeux de Noël, depuis son intervention de 1997 suite à la mort de Lady Diana. Détail apparemment anecdotique, mais qui ne l'est sans doute pas : la souveraine, en robe bleu pâle Karl Ludwig Couture et bijoux Cartier offerts par ses parents pour ses 18 ans, s'exprime avec le portrait du duc et de la duchesse de Cambridge bien visible derrière elle, symbole de l'avenir de la monarchie.
"Votre Majesté, vos 60 extraordinaires années..."
60 années au pouvoir et une cote de popularité, voire une affection, à ce point au beau fixe, voilà qui force le respect. N'importe quel chef d'Etat en rêverait, et le président des Etats-Unis d'Amérique n'a pas manqué d'ajouter sa voix à la liesse générale des sujets de la reine. Barack Obama, admiratif de la reine Elizabeth II, a ainsi laissé les sympathiques taquineries dont il est coutumier dans leur boîte pour adresser à la chef du Commonwealth un hommage exalté :
"Votre Majesté, en cette occasion historique que constitue votre jubilé, Michelle et moi vous adressons, ainsi qu'à tout le peuple britannique et aux membres du Commonwealth, les plus sincères félicitations du peuple américain. En temps de guerre comme en temps de paix, en temps de prospérité comme en temps d'austérité, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont entretenu une relation particulière. Nous sommes restés grands et forts, et, ensemble, avons affronté quelques-uns des plus grands défis que ce monde ait connus. Tandis que nombre de présidents et de Premiers ministres sont passés, le règne de Votre Majesté a perduré. Comme je l'ai dit l'an dernier à Buckingham Palace, cela fait de Votre Majesté un témoin vivant de la puissance de notre alliance et la source essentielle de sa solidité. En tant qu'alliée infaillible, amie loyale et chef infatigable, Votre Majesté a fourni un exemple de détermination qui sera longtemps révéré. Et tandis que nous oeuvrons ensemble pour un avenir meilleur à léguer à la prochaine génération, il est bon de savoir que les liens entre nos deux nations demeurent indispensables pour nos deux pays comme pour le monde. En l'honneur de vos 60 extraordinaires années sur le trône, les communautés partout dans le Commonwealth ont allumé des milliers de fanaux du jubilé. Puisse la lumière de la couronne de Votre Majesté régner pour de nombreuses années encore."
Un peu plus long que le discours de la reine, mais pas moins vibrant.
G.J.
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