"Je trouve ce monde très beau ; je ne comprends pas pourquoi l'homme est mortel. J'ai du mal à me faire à l'idée qu'il n'y a rien après." En 2010, dans son autobiographie Comment réussir à la télévision quand on est petit, breton, avec de grandes oreilles ? (Flammarion), Philippe Gildas confiait sa peur de la mort et de l'inconnu qui la suit.
Huit ans plus tard, dans la nuit du 27 au 28 octobre 2018, la grande faucheuse l'a rattrapé, peu avant ses 83 ans. Placé dans le centre de soins palliatifs Jeanne Garnier du XVe arrondissement de Paris, le natif d'Auray (Morbihan) a succombé à un cancer du rein métastasé au cerveau, diagnostiqué six mois avant.
En avril 2018, des petits oublis au quotidien, de la fatigue et des maux de dos conduisent Philippe et son épouse Maryse à l'hôpital parisien Montsouris où le docteur Brice Gayet – le père de Julie – lui fait passer des examens. Maryse ne veut alors pas s'inquiéter, comme elle l'a révélé le mardi 28 mai dernier dans l'émission Chez Jordan sur C8 : "Il ressentait beaucoup de fatigue et avait mal dans le dos, mais pas plus que ça. Moi souvent, ça m'arrive d'avoir mal dans le dos."
Le chirurgien prend cependant Maryse à part pour lui annoncer qu'il a découvert une tumeur sur le rein gauche, métastasée jusque dans le cerveau. "Il m'a fait venir et m'a dit que ce n'est pas opérable." Sur le moment, pourtant, elle ne réalise pas la gravité de la situation et elle n'a pas peur. Elle prend alors une grande décision.
Pour ne pas gâcher ses derniers mois d'existence, l'ex-animatrice d'Europe 1 choisit de ne pas dire la vérité à son mari. Elle lui parle simplement d'une tumeur "et de quelques séances d'immunothérapie qu'il aurait à faire."
Quelques semaines seulement après que le diagnostic a été posé, le temps s'accélère et la maladie impose au journaliste des moments où il se sent désorienté dans l'espace. Quelques semaines après ses dernières vacances dans la maison familiale des Gildas en Corse, le patriarche est placé dans le centre Jeanne Garnier. Mais quand son mari s'inquiète, Maryse le rassure et continue de ne pas lui dire la vérité.
"A partir de là, il n'y avait plus rien à faire, a-t-elle confié sur C8 pour expliquer son choix de ne rien dire. Je savais déjà... Il est parti en sept mois... Il ne souffrait pas. Il ne l'a pas su... Il avait des délires quand il était en soins palliatifs. Il y est resté trois mois (...) Je lui ai dit : "C'est une maison de santé parce que tu as besoin de te refaire une santé". Il n'a jamais su sa maladie..."
Atteint par la maladie et les médicaments, Philippe Gildas délire dans ses derniers jours. "Quand Muriel Robin est venue le voir, il a refait Nulle part ailleurs à Barcelone, sourit sa veuve. On se demandait pourquoi Barcelone ? Moi, il me prenait pour son assistante... Il me disait d'aller chercher tel invité."
Comme souvent dans ces instants-là, le départ du malade est un soulagement, pour lui comme pour ses proches. "C'était le moment, estime Maryse Gildas. Hélas, il fallait qu'il parte de toute façon. C'était plus possible." Maryse et les trois enfants de Philippe ont alors le réconfort de recevoir beaucoup de messages de journalistes. "Je ne pensais pas qu'il y en aurait autant. J'avais encore un peu de doutes sur le métier. J'en n'ai plus. C'est extraordinaire. Les messages que j'ai eus depuis cette nuit. Je ne pensais pas avoir autant de monde."
Dans Comment réussir à la télévision quand on est petit, breton, avec de grandes oreilles ?, Philippe écrivait que la foi ne lui serait d'aucun secours car il l'avait perdue : "Longtemps je fus catholique et breton. Trop longtemps je fus enfant de choeur pour l'oublier complètement. Les yeux fermés, je croyais de toutes mes forces à la vie éternelle." D'un commun accord, Maryse et lui avaient décidé de se faire incinérer. "Économie de pierre tombale et d'inutiles regrets éternels. Et quand je passerai de l'autre côté des flammes, faites aussi l'économie de l'urne : répandez mes cendres au hasard, en vous amusant, comme moi je n'ai jamais cessé de le faire !"
Antoine de Caunes, son fidèle complice de Nulle part ailleurs de 1987 à 1995, a reçu le message cinq sur cinq. Le jour des obsèques, au cimetière parisien du Père-Lachaise, il a fait croire à leur ami José Garcia que Maryse avait souhaité un dress code tout en blanc pour le dernier au revoir à Philippe. José et son épouse Isabelle Doval sont donc venus habillés de la sorte... et furent fort surpris en découvrant qu'ils étaient évidemment les seuls à qui cette instruction avait été communiquée ! Une dernière blague, pour accompagner leur ami dans sa dernière demeure.