Alors que le raz-de-marée Fifty Shades of Grey se profile à l'horizon et que le bruit autour du long métrage de Sam Taylor-Johnson s'amplifie, prenons un peu de distance pour revenir sur la campagne promotionnelle menée par les deux stars du sulfureux thriller romantico-érotique, Dakota Johnson et Jamie Dornan.
Manque d'alchimie et froideur
Lancée il y a déjà plusieurs mois, la promotion de Cinquante Nuances de Grey s'est avérée très séduisante sur la Toile (teasers, photos au compte-goutte, spots TV...), mais beaucoup moins lorsqu'elle a concerné frontalement les deux vedettes du film. Depuis leur première interview, le jour où la première bande-annonce de 50 Shades était dévoilée, Jamie Dornan et Dakota Johnson ne débordent pas de complicité. Pire, il y a une forme de distance, professionnelle ou volontaire, entre eux. Lors de leur apparition commune aux Golden Globes début janvier, ils n'ont pas posé ensemble sur le red carpet, Jamie Dornan restant muet alors que Dakota donnait une interview très contrôlée. Sur scène, ils ont remis un prix mais leur prestation suintait l'ennui et l'inconfort.
Outre cette apparition forcément attendue des fans, il y a pléthore d'exemples semblant indiquer que la complicité entre les deux comédiens fait relativement défaut. Pour quelques observateurs, dont l'engagé Gawker, leur récente séance de questions/réponses pour Glamour (dont ils ont fait la couverture) illustre bien le propos et concentre toutes les failles du tandem, à savoir : beaucoup d'hésitation, une motivation dont on peut douter, et surtout une incapacité à vendre le film. Sur ce dernier aspect, bon nombre d'interviews le prouvent. Dès leur première apparition ensemble pour dévoiler la bande-annonce en juillet 2014, Dakota Johnson démontait le fantasme des aficionados du livre en confiant que tourner les scènes chaudes du film n'avait pas été un plaisir, mais plutôt une "tâche", les deux acolytes éprouvant face caméra une forme de gêne et presque, déjà, de lassitude. À ce petit jeu, difficile d'imaginer une seconde que Dakota Johnson et Jamie Dornan puissent être des nouveaux Kristen Stewart et Robert Pattinson (d'autant que Dornan est marié et père de famille).
Ont-ils pris du plaisir à tourner ensemble ?
"Ceux qui pensent que les acteurs sont excités lorsqu'ils tournent des scènes de sexe se trompent" (The Guardian) ; "J'ai eu à faire des trucs sur elle que je n'aurais jamais choisi de faire à une femme" (Glamour) ; [à propos d'une visite dans un temple du sexe] "J'ai dû prendre une longue douche avant de pouvoir toucher ma femme et mon enfant" (ELLE UK) ; "Je présume qu'il y a dû avoir de l'alchimie entre nous parce qu'ils ont fait en sorte que cela arrive" (Today) ; "Je ne me mettrai plus jamais nu. J'en ai marre. Vraiment marre." (Vogue) ... À la lumière de ces déclarations, comment croire que Jamie Dornan ait apprécié son expérience sur le tournage de Fifty Shades Of Grey ? Pire, une forme de dégoût se dégage des scènes hot qu'il a tournées. Pourtant, c'est bien ce même Jamie Dornan qui mettait en avant le côté romantique du film, affirmant que rien ne serait gratuitement hard.
Sa partenaire ne semble pas montrer plus d'entrain, elle qui affirme que ces scènes "n'étaient pas une situation romantique, mais plus quelque chose de technique et chorégraphié ", ou qui se demande si les scènes de sexe fonctionneront bien à l'écran, sans quoi "on a un échec massif entre nos mains". Le rôle des acteurs n'est-il pas de vendre du rêve aux spectateurs, qui plus est sur une adaptation qui a alimenté les fantasmes d'un public déjà au rendez-vous ?
La Vie d'Adèle en contre-exemple
Face à la promotion hasardeuse de Fifty Shades of Grey par ses deux plus éminents représentants, opposons celle de La Vie d'Adèle, le sulfureux long métrage d'Abdellatif Kechiche, Palme d'or à Cannes 2013. Pour ce film, les deux héroïnes, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, ont été les stars d'une promo qui a fait couler de l'encre. Mais au-delà des déclarations qui ont prêté à confusion, les deux comédiennes ont affiché leur belle complicité, de l'aventure cannoise à sortie du film sur les écrans français. Et même si, pendant cette promo, Léa Seydoux et Abdellatif Kechiche se sont méchamment embrouillés, l'amitié des deux filles n'a jamais été mise en péril, pas plus que leur solidarité, en dépit de scènes intenses et très difficiles à tourner. Elles ont aimanté les regards sur leur relation, et ont surtout donné envie au public, avant que le scandale ne prenne le dessus. Sur La Vie d'Adèle, c'est l'image écornée d'Abdellatif Kechiche, cinéaste engagé et pointilleux, qui avait altéré l'image du film que les potentiels spectateurs pouvaient avoir. Le réalisateur avait fini par se justifier, tout en sincérité, pointant du doigt Léa Seydoux.
Sur Fifty Shades of Grey, pas d'embrouilles à l'horizon – pense-t-on. A la place, une promotion stricte, avec beaucoup de distance vis-à-vis de l'oeuvre, une volonté de laisser planer le mystère, mais aussi une forme de second degré qui peut dérouter. Jamie Dornan, très adepte de cet humour, l'a utilisé à plusieurs reprises, notamment lorsque le buzz autour d'un hypothétique départ de la trilogie (l'acteur ne voulait plus se mettre nu) a émergé sur la Toile. Son jeu médiatique trouble et tout en nuances – ça ne s'invente pas – a jusqu'ici surtout permis à l'acteur de ne pas céder à la folie furieuse qui tourne autour du film (qui vient d'être interdit en Malaisie par exemple), et de se faire discret auprès de sa femme et de sa fille. Quant à Dakota Johnson, sa timidité très Steele-esque déborde sur le secteur promo, mais paradoxalement elle est bien plus détachée de Jamie Dornan que son personnage ne l'est de Christian Grey, dès les premières pages du roman.