Le 3 mars 2014 s'est ouvert l'un des procès les plus médiatiques de ce siècle. Des centaines de journalistes du monde entier. Des mois de procédure. Un procès retransmis en direct sur les cinq continents. L'accusé ? Oscar Pistorius, soupçonné du meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp la nuit de la Saint-Valentin 2014. Connu du monde entier pour avoir couru avec les valides, l'athlète amputé des deux jambes avait séduit les foules par sa volonté, son courage, son abnégation, sa gentillesse et son sourire charmeur. Mais ce 3 mars, dans la salle d'audience du tribunal de Pretoria, c'est un tout autre Oscar Pistorius que l'on s'attend à découvrir...
Cris d'effroi
Tout au long des huit mois de procès, l'accusation, représentée par le procureur Gerrie Nel, a tenté de montrer que l'athlète sud-africain a volontairement tiré sur sa compagne Reeva Steenkamp. La défense, incarnée par une batterie d'avocats menée par Barry Roux, soutiendra la thèse d'Oscar Pistorius. Celui-ci a en effet toujours affirmé avoir fait feu, pensant avoir affaire à un cambrioleur réfugié dans les toilettes.
Au premier jour du procès, les audiences se focalisent autour d'un fait, les cris de Reeva Steenkamp. Plusieurs témoins affirment avoir entendu une détonation, des cris effroyables, puis de nouveaux coups de feu. Ils sont ainsi plusieurs à défiler devant la barre et à assurer qu'ils ont entendu les cris d'effroi d'une femme. Ce qui aurait tendance à prouver que l'accusé ne pouvait ignorer que Reeva Steenkamp se trouvait derrière la porte des toilettes. Mais Barry Roux, redoutable avocat, a minutieusement détruit certains témoignages, semant le doute dans la salle d'audience. Les témoins auront également évoqué une dispute, qui, selon Gerrie Nel, serait à l'origine du meurtre.
"J'ai tiré sur elle"
Les premiers jours, éprouvants, n'ont jamais été à l'avantage de l'accusé, resté prostré sur son banc, sans un regard pour la salle où étaient regroupées sa famille et celle de Reeva Steenkamp. L'accusation a en effet fait appel à plusieurs connaissances d'Oscar Pistorius, notamment son ex et l'un de ses amis, qui ont décrit un homme impulsif, sujet à des sautes d'humeur et amateur d'armes, incapable d'assumer ses actes. Pourtant, dans ce concert de témoins à charge, une voix va soutenir l'homme de 28 ans. Son voisin, Johann Stipp, médecin de son état. Il a été l'un des premiers à se rendre chez lui après les coups de feu. "La première chose qu'Oscar a dite c'est 'J'ai tiré sur elle. J'ai cru qu'elle était un cambrioleur, j'ai tiré sur elle'", a confié ce radiologue. Et de poursuivre : "Il pleurait, il priait, il parlait à Dieu, faisait des promesses et demandait à Dieu 's'il te plait, laisse-la vivre, ne la laisse pas mourir'. Il m'avait l'air sincère, il pleurait, son visage était couvert de larmes, il essayait de l'aider."
Autopsie et malaise
La seconde semaine de procès avait débuté par la lecture du rapport du médecin légiste. Un moment douloureux pour la famille de Reeva Steenkamp, mais encore plus pour Oscar Pistorius, qui s'est mis à vomir en plein tribunal, lui qui était resté de marbre jusque-là. Une première faille dans la carapace du jeune homme...
La juge Thokozile Masipa a poursuivi avec le défilé des experts qui se sont succédé à la barre, et notamment le colonel Gerhard Vermeulen et ses trente ans d'expérience qui ont fait parler la porte des toilettes. Selon lui, Oscar Pistorius avait remis ses prothèses pour défoncer la porte à coups de batte de cricket, version qui contredit totalement celle de l'athlète. Cependant, l'avocat Barry Roux a repris la main en critiquant les méthodes de la police et en évoquant une vidéo troublante surgie sur les réseaux sociaux. Elle démontrait que le bruit d'un coup de feu et celui d'une batte de cricket frappant une porte était le même, et que les témoins avaient donc entendu ces derniers, puis les cris d'Oscar Pistorius en découvrant Reeva Steenkamp.
Pour autant, les témoignages continuaient d'enfoncer Oscar Pistorius, qui ne pouvait retenir ses larmes devant les nouvelles expertises d'un expert en balistique détaillant le calvaire vécu par Reeva Steenkamp. Une Reeva Steenkamp qui a soudainement pris corps lorsque le procès a commencé à s'intéresser à la relation des deux jeunes Sud-Africains.
SMS amoureux et effrayés
A travers ces messages échangés avec Oscar Pistorius, Reeva Steenkamp est apparue aux yeux de la défense comme une femme amoureuse, quand l'accusation voyait en elle quelqu'un d'effrayé par l'athlète. Pour en savoir un peu plus, la défense a appelé Oscar Pistorius à la barre. Un moment fort et attendu par l'audience et tout un peuple, qui a vu l'athlète demander pardon à la famille de sa victime. Incapable de retenir ses larmes, il a durant plusieurs heures raconté son enfance avant de revenir sur cette nuit tragique, évoquant l'avenir qu'il aurait aimé construire avec Reeva Steenkamp.
Un témoignage poignant et empreint d'émotions que Gerrie Nel aura mis quelques secondes à peine à détruire, en évoquant la tête de Reeva "explosée comme une pastèque". Offensif et virulent, il a ainsi cherché à destabiliser Oscar Pistorius en dressant un portrait troublant de l'athlète, dépeint comme un égoïste qui aurait fréquemment humilié sa compagne... Bien que démentant les accusations du procureur, il n'aura jamais réussi à convaincre qu'il ne souhaitait pas la mort de sa compagne.
Hôpital psychiatrique et suicide
Hasard ou coïncidence, et alors que le procès s'éternisait, la défense d'Oscar Pistorius, ruiné par ce procès et forcé de vendre la maison du drame, tentait d'invoquer les troubles psychologiques de son client, qui auraient influencé sa façon de réagir. Une nouvelle ligne de défense qui suggérait qu'il ne pouvait être jugé responsable au moment des faits, et ne pouvait donc être poursuivi... La juge Thokozile Masipa décidait d'envoyer Oscar Pistorius en hôpital psychiatrique durant un mois pour de nouvelles expertises. Expertises qui déterminèrent qu'il ne souffrait aucunement de troubles psychologiques, ouvrant ainsi la porte à la suite du procès.
Suicidaire selon son entourage, Oscar Pistorius, loin de faire profil bas, se retrouva une nouvelle fois sur le devant de la scène après une altercation en boîte de nuit ou lorsqu'il publia des messages sur les réseaux sociaux. Du pain béni pour le procureur Gerrie Nel, qui réclama une condamnation pour meurtre quand la défense plaidait elle l'accident.
Verdict polémique et prison ferme
Comme le veut la loi sud-africaine, la juge rendit son verdict tant attendu plusieurs semaines après les plaidoiries. En septembre, la juge Thokozile Masipa déclarait Oscar Pistorius non coupable de meurtre, se disant incapable de déterminer s'il avait eu ou non l'intention de tuer sa compagne ce soir-là. Un jugement qui ne manqua pas de susciter la polémique et l'indignation dans le monde judiciaire. Le lendemain, Oscar Pistorius était reconnu coupable d'homicide par négligence et condamné quelques semaines plus tard à cinq ans de prison ferme, malgré le poignant témoignage de la cousine de Reeva Steenkamp.
Aujourd'hui incarcéré, Oscar Pistorius devra toutefois faire face à un nouveau procès. Le procureur Gerrie Nel a en effet fait appel de la décision de la juge Thokozile Masipa, estimant qu'elle avait fait une mauvaise interprétation de la loi. Cette dernière ayant donné son accord pour l'appel, l'athlète pourrait risquer jusqu'à 15 ans de prison minimum...